Spécial Marche verte

L'infrastructure impressionne

Le développement économique au point mort

18 Février 2007 À 12:44

A quelque chose, malheur est bon. Et avec une vraie volonté, les catastrophes les plus atroces peuvent servir de catalyseur pour un lendemain meilleur. Trois années après le séisme d'Al Hoceïma, la marche de la région vers le développement est plus que certaine. L'évolution de l'infrastructure, surtout routière, est à applaudir. D'autres projets foisonnent de toutes parts. Pour illustrer ce développement que vit la ville, certains habitants racontent, en guise d'anecdote, qu'en rentrant chez lui, un immigré a téléphoné à son ami pour lui dire qu'il s'est sûrement trempé de route, tellement le changement a été exceptionnel.

Malgré son caractère plaisantin, l'anecdote n'est pas fortuite. Celui qui revient à Al Hoceïma, après une longue absence, ne peut qu'admirer l'agréable métamorphose qu'est en train de vivre cette ville rifaine, longtemps laissée pour compte. A plusieurs kilomètres de la ville, le dédoublement du tronçon Al Hoceïma/Ajdir annonce déjà la couleur.

Les virages casse-gueule qui se trouvaient tout au long de cette route, très étroite, font désormais partie du passé. Décidément, le train de la mise à niveau est bel et bien sur la bonne voie et la vitesse de croisière est également atteinte. Le foisonnement d'une multitude d'autres projets en matière de relogement des sinistrés, d'infrastructure et à caractère social illustrent parfaitement la stratégie de mise à niveau et de développement enclenchée dans la région au lendemain du séisme. "La ville a bénéficié d'un investissement très important, noté aussi bien par les observateurs que par les habitants", souligne Mohamed Boudra, président du Conseil de la commune d'Al Hoceïma. Mais, faut-il le préciser, le retard accusé par cette région a été également très important, ajoute-t-il. Sur le terrain, les chantiers sont légion.

Plusieurs projets ont été réalisés, d'autres sont en cours de réalisation ou viennent d'être lancés. Routes, assainissement liquide, éclairage public, restructuration de quartiers, aménagement de la voirie, établissements scolaires, centres de santé, projets sociaux, complexes culturels, maisons de jeunes filles ou d'handicapés, la liste des réalisations, des chantiers ou des projets est assez longue. "La population a ressenti en profondeur la volonté Royale claire, sincère, évidente et affectueuse pour le développement de cette région", souligne Boudra.

Côté désenclavement, talon d'Achille au niveau de plusieurs régions du Royaume et sérieux handicap pour tout développement socioéconomique, les réalisations sont à la hauteur des attentes. L'ancien-nouveau projet de la rocade méditerranéenne qui va désenclaver la région horizontalement avance bien. Le tronçon Al Hoceïma/Nador est déjà ouvert, ce qui a ramené le temps du trajet à seulement une heure au lieu de deux heures par le passé. D'autres routes qui faciliteront la liaison de la région avec le reste du pays sont en cours de réalisation.

Des améliorations au niveau de la gare maritime notamment la construction d'un nouveau quai ainsi que l'extension de la piste d'atterrissage à l'aéroport ont été également réalisées. "Plus de la moitié des besoins en matière d'infrastructure a été réalisée en trois ans. Un record!", reconnaît Boudra.

Le développement de l'infrastructure n'est pas le seul changement dans la région. Selon plusieurs témoignages, un grand changement dans la mentalité des habitants a été remarqué. La grande solidarité et les grandes quantités d'aides venues de tous les coins du Royaume au lendemain de la catastrophe ont renforcé les liens des habitants de cette région avec leurs frères du reste du pays, indiquent des habitants d'Al Hoceïma. "Les gens se considèrent, pour la première fois, comme de vrais Marocains", souligne ce jeune étudiant.

Cependant, et pour la plupart des habitants, le grand développement en matière d'infrastructure n'est pas suffisant, voire pas apprécié à sa juste valeur. "Que vais-je faire avec des routes, alors que je n'ai même pas de voiture?!!!", estiment certains. Pragmatiques, d'autres soulignent que tant qu'ils n'ont rien reçu de concret à mettre dans leurs propres poches, les aides sont considérées comme une grande arnaque.

Aussi, tant que le marché du travail ne bouge pas, tout développement reste boiteux. "Il n'y a que des cafés, des téléboutiques ou des cybercafés qui emploient une poignée de jeunes de la région. Heureusement que le port existe, sinon des centaines de jeunes s'adonneront à la mendicité", souligne un chauffeur de taxi.

En effet, le développement économique est toujours au point mort, malgré les grandes potentialités que recèle la région. Les investissements font encore défaut. Les chiffres fournis par le Centre régional d'investissement (CRI) ne sont pas très reluisants et la zone industrielle d'Al Hoceïma, inaugurée il y a environ cinq années, compte seulement trois unités. Maigre résultat pour une région qui se situe à quelques encablures de l'Europe.
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Encouragements

Pour certains opérateurs, le gouvernement peut aider la région à sortir de sa léthargie en lui accordant certaines facilités notamment en matière d'impôts ou en la considérant comme une région économique spéciale pendant une certaine période.

Cela peut encourager les opérateurs à investir à Al Hoceïma, souligne un professionnel. Pour le directeur du CRI, la longue période d'enclavement de la région y est pour beaucoup dans ce retard au niveau économique.

L'absence d'une route en bonne et due forme, ouvrant la région sur le centre du pays, entrave également l'essor économique du Rif. Même son de cloche chez Mohamed Boudra. "Si, pour moi, la réalisation de la rocade est le chantier le plus important actuellement dans la région, la réalisation de l'autoroute Al Hoceïma/Fès, qui désenclavera verticalement la région, reste le meilleur projet à accomplir".
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