Spécial Marche verte

«La rencontre est possible»

Musulmans, chrétiens et juifs… autour d'une même table

111VIEW - Vincent Feroldi, Historien et responsable communication de l'égllise catholique

12 Février 2007 À 16:13

Le matin : Au Maroc, est-ce que le christianisme et l'islam sont dans une période d'affrontement ou de rencontre ?

Vincent Feroldi :
J'ai envie de dire parlons vrai. Se parler vrai nous amène à regarder la réalité d'hier et d'aujourd'hui. Nous avons effectivement un passé et un héritage qui est lourd. Il y a eu des périodes d'affrontement et de rencontre.

Au 19e siècle, les chrétiens étaient très peu nombreux au Maroc. Ils étaient concentrés sur la côte et vivaient effectivement en parfaite harmonie avec les musulmans, car leur point commun était le commerce. Ensuite, au moment de la colonisation, l'affrontement est apparu.

L'église avait un objectif conquérant qui est celui de reconvertir le peuple marocain. Mais après la seconde guerre mondiale et la montée des nationalismes en Europe, des musulmans, des chrétiens et des juifs se sont retrouvées ensemble pour mener un même combat qui était entre autre le développement du Maroc. L'église elle-même a adopté une attitude de dialogue. Donc aujourd'hui, la question n'est pas affrontement ou rencontre, mais plutôt comment passer de l'affrontement à la rencontre et au dialogue?

Comment peut-on renouer le dialogue et réduire le fossé, notamment au Maroc et à la lumière de ce qui se passe aujourd'hui dans le monde ?

Je ne dirais pas renouer mais amplifier le dialogue. Il existe dans ce pays de nombreux hommes et femmes de dialogue. Ceci dit, pour l'amplifier, il faut qu'il y ait la reconnaissance de l'autre et du pluralisme religieux.

Il faut prendre le temps de se connaître.
On a peur de l'autre parce qu'on ne le connaît pas. Il faut donc faire l'effort de manière très concrète de s'intéresser à l'autre, à sa vie, à son quotidien, à ses croyances...
Et de se dire qu'il est non pas sur un mauvais chemin, mais qu'il est sur un chemin qui est le sien.
Nous croyons tous en un Dieu unique et nous avons des nombreuses valeurs communes, tout en étant différents.

Comment expliquez-vous la montée des extrémismes aujourd'hui ?

Les courants extrémistes sont avant tout porteurs d'une idéologie politique et non pas d'un sentiment religieux. Leur objectif est le pouvoir.

Ils souhaitent imposer à tous une même manière de vivre et de penser, alors que le croyant ne doit pas être un homme de pouvoir et son but ne doit pas être celui d'imposer des valeurs, mais au contraire d'en proposer.
Or malheureusement, c'est cette image qui prédomine dans le monde, celle d'un islam violent et intolérant.

Mais l'islam a d'autres images, qui sont celles de l'accueil, du partage, de la tolérance, de la bonté, de la paix… et ce sont des attitudes que l'on retrouve partout au Maroc et dans d'autres pays.
Malheureusement, cette image n'est pas perçue.

Les Occidentaux pointent du doigt l'islam et oublient qu'au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, des mouvements nationalistes ont surgi en Europe

On a effectivement la mémoire courte et c'est là où c'est intéressant de se remettre dans la longue durée.
Le travail des historiens est important pour aider les contemporains à analyser le présent et à les amener à se poser les bonnes questions pour sortir des schémas des idées toutes faites, voire des caricatures.

______________________________

Ponts entre les religions

«Christianisme et islam au Maghreb et dans le monde : une réalité d'affrontement ou de rencontre ?», tel était le thème d'une rencontre organisée le 10 février dernier à Casablanca par l'Ecole de l'égalité et de la citoyenneté et la Ligue démocratique des droits des femmes. «Notre objectif est de créer des ponts entre les religions, essayer de valoriser l'humain, de chercher ce qui est commun et de contrer cette prétendue guerre des civilisations.

Promouvoir les valeurs de dialogue, de respect, de tolérance, de justice et d'équité, c'est en même temps travailler pour l'égalité», a déclaré Fouzia Assouli, secrétaire général de la LDDF. De nombreux représentants des trois communautés religieuses se sont ainsi retrouvés pour rappeler l'histoire qu'a joué l'église catholique au Maroc. Pour illustrer leurs propos, Jamaâ Baïda, historien, et Vincent Feroldi, ainsi que les différents intervenants, se sont basés sur des faits historiques.
Copyright Groupe le Matin © 2024