L'humain au centre de l'action future

Les librairies en voie de disparition

Des lieux magiques qui tentent tant bien que mal de subsister
«Les librairies réalisent 80% de leur chiffre d'affaires durant les mois d'août et septembre » à l'occasion de la rentrée scolaire ». Mme Balafrej est, on ne peut plus, dépitée en fai

01 Février 2007 À 15:16

C'est une des rares professionnelles dans le domaine, et la directrice de l'une des librairies les plus prestigieuses de Rabat, Kalila wa Dimna, peut-être la seule de la ville qui maintienne encore un semblant d'activité autour du livre et de la culture en général.

Rabat n'est pas la seule ville à manquer de ces lieux de rencontre et de rayonnement culturel. A Casablanca, on peut les compter sur les doigts d'une seule main. Il en existe quelques-unes également à Marrakech et à Tanger. « Il y en avait, mais y en a plus » comme disait la chanson. Celles qui existaient se sont peu à peu transformées en gargotes, en cafés et dans les meilleurs des cas en cyber-espaces, quand ce n'est pas en téléboutiques.

Pourtant, jusqu'en 1997, d'après l'annuaire des «Métiers du livre au Maroc», le nombre de librairies, du moins des espaces de ventes de livres, tous genres confondus, s'élevait à 68 et leur répartition géographique était caractérisée par une forte concentration au niveau de l'axe Casablanca-Rabat, qui disposait, à lui seul, de 38 librairies (soit 55,88 % de la totalités des librairies recensées). Des villes comme El Jadida, Oujda, Taroudant, Tétouan n'en avaient à leur disposition qu'une seule. Aujourd'hui, non seulement elles ferment, mais, depuis 2000, d'après la même source, il n'y a pas eu une seule nouvelle librairie.

Les bibliothèques, autres lieux de rencontre avec le livre, ne sont pas moins rares : d'après un rapport de l'Unesco, leur nombre sur le territoire ne dépasse pas la centaine, contre 4000 dans la petite Tunisie, qui permettent de faire circuler quelque cinq millions d'ouvrages contre à peine un petit million au Maroc.

Comment expliquer la raréfaction, sinon l'absence dans certaines grandes villes, de ces espaces de culture et d'information qui, autrefois, jusqu'aux années 1970, étaient des lieux de rencontre des intellectuels, des auteurs et des artistes, sans parler des passionnés de lecture et de débats ? On ne sait, mais en tout cas cela démontre ce qu'on appelle communément «la crise de la lecture».

«Loin de se réduire à un point de vente, la librairie se veut aussi un espace de nouveauté qui joue un rôle important dans la vie des lecteurs, professeurs, étudiants, chercheurs et autres», ajoute Mme Balafrej qui déplore «le peu de cas que font les responsable de l'éducation à l'égard du livre, qui n'a plus sa place dans les programmes scolaires».

C'est sans doute la raréfaction des lieux de lecture, ajoutée à la défaillance de l'école, qui explique le manque de lecteurs et non le contraire. «Un libraire est d'abord un passionné de la lecture, doublé d'un professionnel du livre, qui doit avoir la capacité de conseiller ses clients, connaître les nouveautés éditoriales, les proposer à la vente, etc.

Ces qualités d'ordre culturel doivent être doublées d'un bon sens commercial : anticiper les demandes, gérer les commandes, ne pas rater des ventes…

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Les livres au Maroc: une longue histoire

La vente des livres au Maroc est loin d'être une activité récente. Depuis des siècles, les librairies étaient installées autour des mosquées universités, telle la Qaraouiyine à Fès ou la Koutoubia à Marrakech.

On comptait quelque 200 librairies sous la dynastie saâdienne selon les historiens. L'activité libraire a même été à l'origine de grandes fortunes pour certains, grâce à la commercialisation des manuscrits. C'est le cas, au 14e siècle, du libraire Mohamed Ben Mohamed Ben Bibich Al Abdri Al Gharnati (décédé en 753/1336).

En 1874, l'imprimerie lithographique fraîchement introduite au Maroc grâce au Turcs, a donné lieu à la fondation d'un certain nombre de librairies spécialisées dans la vente de livres édités à Fès, et surtout importés du Caire.

La période coloniale a été fructueuse en matière de création de librairies, dont la Librairie Farraire (1924), la Librairie des Ecoles (1927), la Librairie DSM (1937), fondées toutes à Casablanca, et la librairie Aux Belles Images (1946) créée à Rabat.
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