Économie

Les 74 milliards de dollars d’obligations vertes émises au 1er semestre jugés insuffisants

Les 74 milliards de dollars d’obligations vertes émises lors du premier semestre 2018 ne semblent pas être à la hauteur du potentiel des acteurs non étatiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Un nouveau rapport de l'ONU, publié à la veille du Sommet de l'action pour le climat de San Francisco qui réunit jusqu'au 14 septembre les représentants des entreprises, régions et villes, estime qu'actuellement cet engagement permet la réduction entre 1,5 et 2,2 gigatonnes d’équivalent CO2 au lieu des 15 à 23 possibles.

À la vielle du Sommet de San Francisco pour l'action climatique, le patron de l'ONU a exhorté les sociétés civiles à être plus exigeantes envers leurs gouvernements respectifs pour la protection du climat. La photo montre une marche pour le climat à San Francisco. Ph. AFP

12 Septembre 2018 À 18:14

Un nouveau rapport de la Convention-Cadre des Nations unies (CCNUCC) sur l'apport des acteurs non étatiques dans la réduction des gaz à effet de serre a porté sur l'examen de plus de 183 initiatives de coopération internationales d'acteurs non étatiques répartis dans 7.000 villes, 133 pays et près de 6 000 entreprises du secteur privé avec un chiffre d'affaires estimé à 36 milliards de dollars. «Les villes, les États, la société civile et le secteur privé peuvent être la ressource qui place le monde au sommet de notre lutte pour réduire les émissions de CO2», a déclaré Erik Solheim, directeur de l’ONU Environnement. La CCNUCC indique en introduction que grâce à une analyse de la répartition géographique, sectorielle et fonctionnelle, le rapport révèle un vaste potentiel entravé par une mise en œuvre limitée. Ce nouveau rapport intitulé «Combler le fossé des émissions (de gaz à effet de serre, ndlr), le rôle des acteurs non étatiques et infranationaux» rapporte qu'à travers le monde, 74 milliards de dollars d’obligations vertes ont été émis par le secteur privé lors du premier semestre 2018. Cependant, seuls 20% de la population mondiale sont représentés dans les initiatives internationales actuelles de limitation de gaz à effet de serre, «et la plupart les entreprises du monde entier peuvent encore et ont besoin d'agir» note le rapport afin de mettre en évidence le gap qui existe entre ce qu'il est réalisé et ce qu'il est possible de faire. Selon le rapport de la CCNUCC, cette différence serait à même de rendre possible une limitation du réchauffement planétaire en dessous des 2 °C tel que fixé par l'Accord de Paris : «Le potentiel de réduction des émissions des acteurs non-États et les acteurs infranationaux sont importants. Si les initiatives de coopération internationale sont mises à l'échelle dans toute la mesure du possible, l’impact pourrait être considérable, jusqu'à 15 et 23 gigatonnes de CO2 par an en 2030.

Une fois réalisé, cela contribuerait à réduire les émissions pour limiter le réchauffement en dessous de 2 °C», indique le rapport des Nations unies. Or le rapport constate que ces engagements actuels ne représentent qu'une réduction entre 1,5 et 2,2 gigatonnes d’équivalent en dioxyde de carbone d’ici 2030. Cependant, en 2017, la concentration atmosphérique en CO2) a atteint une moyenne de 405 parties par million (ppm), soit 2,2 ppm de plus par rapport à 2016, il s'agit de la plus forte concentration enregistrée depuis 800.000 ans. Les concentrations en méthane (CH4) et en protoxyde d'azote (N2O), deux importants gaz à effet de serre, ont également atteint des records : 6,9 parties par milliard de plus par rapport à 2016 pour le premier et 0,9 partie par milliard de plus pour le second, selon l'Agence américaine d'observation océanique et atmosphérique qui propose annuellement un «État du climat». Pour 2017, ce rapport est basé sur les contributions de plus de 500 chercheurs répartis dans quelque 65 pays. En conséquence de quoi, 2017 arrive en tête des années les plus chaudes et elle se place en deuxième ou troisième position depuis que les enregistrements existent, soit depuis la deuxième moitié des années 1800. Plusieurs pays rapportent par ailleurs avoir établi, au cours de 2017, de nouveaux records de température. Un point positif cependant, l'écart entre ce qui a été réalisé par le secteur privé et ce qu'il peut faire peut également être source de bénéfices économiques pour les États et les entreprises. Début septembre, la Commission mondiale sur l'économie et le climat publiait une étude selon laquelle la lutte contre le changement climatique pourrait engendrer 26.000 milliards de dollars de gains économiques supplémentaires d'ici à 2030 et générer 65 millions d'emplois. Selon ce même document, les États pourraient également engranger 2.800 milliards de dollars de recettes par an en 2030 en supprimant les subventions aux énergies fossiles d'ici à 2025 et en mettant en place un prix du carbone efficace, entre 40 et 80 dollars la tonne en 2020, alors qu'il est beaucoup plus faible actuellement dans les différents mécanismes mis en place ou envisagés par 70 États ou juridictions. Mais cet objectif semble encore lointain. La Terre est déjà plus chaude de 1 °C environ et, à ce rythme, la hausse atteindra +3,2 °C en 2100, alertent différentes études scientifiques. Ainsi, c'est aux acteurs non étatiques qu'est dédié le Sommet de San Francisco pour l'action climatique du 12 au 14 septembre. 

 

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