Fête de la Jeunesse

Pour une nouvelle Initiative nationale intégrée pour la jeunesse marocaine

En interaction avec l’appel lancé par S.M. le Roi Mohammed VI pour l’élaboration d’une nouvelle politique intégrée dédiée à la jeunesse marocaine, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a élaboré et adopté le 31 mai 2018 son rapport sur «une nouvelle initiative nationale intégrée pour la jeunesse marocaine». Le CESE considère qu’il est temps de proposer une nouvelle Initiative intégrée pour la jeunesse nationale, avec l’ambition d’apporter, dans la durée, des réponses aux attentes légitimes des jeunes d’une vie digne, de justice sociale, d’équité et de participation active à la dynamique de développement.

20 Août 2018 À 17:48

Sa Majesté le Roi Mohammed VI a appelé en octobre dernier à l’élaboration d’une nouvelle politique intégrée dédiée à la jeunesse marocaine, véritable richesse et moteur de développement du Royaume. «À l’instar de l’Initiative nationale pour le développement humain, Nous appelons à l’élaboration d’une nouvelle politique intégrée dédiée aux jeunes», avait déclaré Sa Majesté dans un Discours devant les membres des deux Chambres du Parlement à l’occasion de l’ouverture de la session parlementaire d’automne 2017. Pour le Souverain, cette politique devrait être axée fondamentalement sur la formation et l’emploi, afin de proposer des solutions réalistes aux problèmes des jeunes, notamment ceux qui vivent en milieu rural et dans les quartiers périphériques et pauvres.
En interaction avec l’Appel Royal et en réponse également à la saisine de la Chambre des conseillers demandant l’élaboration d’une étude sur «la stratégie intégrée de la jeunesse», le CESE a élaboré et adopté le 31 mai 2018 son rapport sur «une nouvelle initiative nationale intégrée pour la jeunesse marocaine».
Selon le rapport du Conseil, cette Initiative devrait avoir comme socle la restauration de la confiance de la jeunesse marocaine, pour qui le sentiment de défiance vis-à-vis de la société de façon générale est important et a tendance à s’accentuer, avec des impacts négatifs sur leurs comportements et sur la cohésion sociale de façon plus générale.
L’importance des inégalités sociales et spatiales, les difficultés d’accès à un emploi décent et aux services publics de base, la panne de l’ascenseur social et la persistance de l’économie de rente ne sont pas de nature à améliorer la confiance des jeunes en l’avenir, estime le CESE. Le défi de la confiance interpelle donc sur le nécessaire renforcement du lien social, dans une société désormais à majorité urbaine et informée.
Pour le CESE, l’objectif général de cette initiative est d’assurer un développement inclusif de la jeunesse. «À partir des nouvelles réalités et des principes précédemment présentés, l’Initiative nationale pour la jeunesse est fondée sur un objectif général de développement inclusif des jeunes, servant ainsi de guide pour l’élaboration et la mise en œuvre de l’ensemble des actions visant la jeunesse, pour donner un nouvel élan à l’action politique envers le monde des jeunes, concevoir une politique publique appropriée, promouvoir et coordonner des programmes d’action, définis de façon concertée et inscrits dans une démarche interactive de mise en œuvre», souligne le rapport.
Cet objectif, ajoute le même rapport, ne peut se matérialiser que si cette nouvelle ambition rencontre l’adhésion de tous, dans le cadre d’un nouveau pacte de confiance, favorisant la libération et la canalisation de l’énergie de la jeunesse. Ladite ambition est à traduire par une déclinaison concrète, servant de point de rencontre aux divers intérêts des jeunes, afin de tenter de répondre à des demandes qui leur sont communes et satisfaire ainsi aux besoins qui leur sont propres.
Enfin, cette Initiative prendra corps de manière tangible lorsque les diverses administrations concernées par le secteur de la jeunesse et les acteurs de la société civile travaillant pour (et avec) les jeunes s’entendront pour faire converger leurs actions et travailler de concert sur un projet collectif partagé.

Neuf domaines d’actions stratégiques
La jeunesse représente un thème transversal intégré dans de nombreuses politiques publiques. L’Initiative portée par le CESE vise donc à faire converger les actions portées par la politique nationale de la jeunesse avec d’autres dimensions stratégiques relevant d’autres tutelles, dont l’emploi et la santé, à travers l’identification de neuf domaines d’actions stratégiques, servant ainsi de cadre directeur pour définir des orientations claires, forger une vision au bénéfice de tous les jeunes et mobiliser et coordonner une action interministérielle en ce sens.

1. Éducation et formation 
Il est nécessaire que le développement et le renforcement des capacités individuelles et collectives des jeunes s’érigent en priorité stratégique nationale. Pour leur permettre d’être formés de manière adéquate, d’acquérir un socle garanti et partagé de connaissances de base et d’éducation fonctionnelle, de développer un potentiel et de le concrétiser, l’investissement dans le capital «jeunesse» doit répondre aux impératifs d’élargissement de la base sociale de la production, d’introduction de la culture de la productivité et de la créativité, et d’amélioration des conditions d’accès à l’économie de la connaissance et du savoir. 
En ce sens, l’école s’impose comme le pilier de l’égalité des chances et des opportunités, en tant que vecteur principal d’intégration économique et sociale. Dans cette perspective sont requis l’amélioration de la qualité des systèmes d’enseignement et de formation, le développement de l’attractivité de l’école comme lieu de vie, d’apprentissage et d’épanouissement, et l’intégration dans les cursus éducatifs du sport, de l’éducation civique, des projets collaboratifs artistiques, environnementaux et citoyens, et enfin pour éduquer, outiller et prémunir les jeunes face aux risques et violences à caractère sexuel et liés à l’irrespect du genre.

2. Employabilité 
Pour que les jeunes puissent choisir librement leur projet de vie, il est urgent de faciliter la création pour eux de débouchés décents, dans le secteur public comme dans le secteur privé, afin qu’ils puissent jouer un rôle productif dans tous les domaines de la société. Pour favoriser leur participation à la création de richesses, un programme spécifique dédié à l’insertion des jeunes dans la vie active (diplômés, chômeurs, jeunes issus de milieux défavorisés, jeunes à besoins spécifiques, etc.) doit être conçu et adossé aux politiques sectorielles qui constituent de véritables leviers favorisant la libération des initiatives de l’entrepreneuriat des jeunes. Les métiers du développement durable, de l’économie verte et bleue, la feuille de route africaine portée par le Royaume ou encore le potentiel offert par l’économie sociale et solidaire constituent autant d’opportunités à saisir, en vue d’en tirer les meilleurs profits et de tracer la voie de l’amélioration de l’emploi des jeunes.

3. Prévention, santé physique et psychologique et protection sociale
La mise à disposition d’offres de soins et de dispositifs médicaux au sein des établissements d’éducation et de formation, des universités et des espaces des jeunes constitue une première piste à explorer. 
Accélérer le processus d’extension de la couverture médicale aux étudiants et faire profiter les jeunes des familles défavorisées du Régime d’assistance médicale (Ramed) sont des formes de protection sociale des jeunes auxquelles la collectivité devrait être attentive. La généralisation du socle de la protection sociale implique également de mettre en œuvre des filets de sécurité efficaces pour les jeunes, et aussi de renforcer les mécanismes de solidarité entre eux. Il est également préconisé d’assurer une prévention efficace des jeunes vis-à-vis des risques sanitaires, par le développement (i) de programmes de sensibilisation et de communication sanitaire promouvant la lutte contre toutes les formes de dépendance (drogue, tabac, maladies sexuellement transmissibles, suicide…) en milieu scolaire, universitaire et dans les centres dédiés aux jeunes et (ii) d’une culture centrée sur un mode de vie sain, en encourageant l’alimentation équilibrée et la pratique régulière du sport.

4. Lutte contre les formes de vulnérabilité, la pauvreté, la précarité et l’exclusion des jeunes
Il s’agit d’adosser l’Initiative nationale intégrée pour la jeunesse à l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH). Ainsi, le Conseil économique, social et environnemental entend hisser l’Initiative nationale intégrée pour la jeunesse au rang d’approche trans-sectorielle promouvant la réduction des inégalités et la lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion des jeunes, en garantissant l’égalité des chances entre eux (lutte contre les facteurs d’exclusion sociale, notamment liés au genre, à l’âge, au handicap, au milieu d’origine…), et en favorisant la mobilité sociale et l’accès équitable aux droits fondamentaux (éducation, liberté, sécurité). Parvenir à l’égalité des chances entre les sexes et autonomiser la jeune femme est un vecteur principal de l’action publique envers la jeunesse, qui implique de mettre fin à toutes les formes de discrimination envers les jeunes femmes, de leur donner le droit aux mêmes ressources économiques, de favoriser leur accès au travail rémunéré, à l’éducation et à la propriété et enfin d’oeuvrer pour leur permettre d’occuper des postes de responsabilité.

5. Engagement des jeunes
À rebours d’une idée répandue, selon laquelle les jeunes ne s’intéresseraient pas à la politique, le développement d’une culture du dialogue et du débat, notamment avec les corps intermédiaires (partis politiques, syndicats, associations…), encouragerait la participation des jeunes à la décision publique, à travers la mise en place de plateformes de dialogue civil et social, au niveau national, ainsi que de plateformes locales de démocratie participative. Favoriser l’implication et la participation de tous les jeunes à la vie de la société implique de faciliter la constitution et le fonctionnement des institutions qui les représentent (associations de la société civile – neutralité, appui et financements), en plus de favoriser l’implication de ces institutions aux différentes étapes de construction des projets de société et au moment de leur évaluation. Une offre politique renouvelée, crédibilisée et portée par une communication adéquate permettrait de nouvelles formes d’engagement des jeunes.

6. Socle des valeurs et sentiment d’appartenance des jeunes à la Nation
Riche d’une civilisation et d’une histoire millénaires, le Maroc se caractérise par la diversité de son socle de valeurs partagées, individuelles et communautaires, qui constituent son identité. Dans un contexte de globalisation accélérée des économies et des cultures, la consolidation et la préservation des valeurs sociétales s’imposent pour améliorer et maintenir la cohésion de la société dans son ensemble. Dans ce cadre, s’appuyer sur la diversité de notre identité collective, dans ses valeurs et sa marocanité, et la consolider dans son rôle de vecteur d’attachement à la Nation est un des éléments saillants à intégrer dans toute action publique en faveur de la jeunesse. L’élaboration d’un programme d’éducation civique, renforçant les valeurs de citoyenneté et d’identité commune, valorisant les valeurs de tolérance et de respect d’autrui, de respect interindividuel particulièrement, de mérite, de travail, de responsabilité, d’intégrité, d’initiative et de volontariat, et améliorant les connaissances en matière de droits, de devoirs et de civisme, joue un rôle éminemment éducatif, notamment chez les enfants et les adolescents. Il s’agit également de consolider l’attachement des jeunes à un islam éclairé, religion de modération et de tolérance, et promouvoir les valeurs d’ouverture et de dialogue entre toutes les cultures et les pratiques cultuelles.

7. Culture, sport et lieux de vie
Le triptyque culture, loisirs et sports constitue une préoccupation centrale des jeunes et le principal environnement de mixité sociale encore actif, qu’il convient de faire porter par une véritable volonté politique et une nouvelle offre d’encadrement. Il représente un axe majeur de toute politique publique pour la jeunesse, qui doit prévoir en amont la détection précoce et le repérage des talents dans ces domaines. Pour parvenir à faire de la culture et de l’inclusion par la culture un outil fondamental de cohésion et de développement, il faut intégrer durablement et prendre en compte systématiquement les facteurs et leviers culturels dans la politique publique en faveur de la jeunesse. Il faut aussi renforcer les capacités des institutions et des départements liés à la culture, par la restructuration du secteur culturel, en adéquation avec les composantes du projet culturel national, et son intégration dans un cadre institutionnel horizontal l’orientant vers les jeunes.
De même, une refonte totale de la politique sportive en faveur des jeunes est nécessaire, de ses fondements, de ses déterminants et de ses ressources. Il faudrait également œuvrer à la démocratisation des infrastructures (dans les grandes villes, les moyennes et petites villes et dans le milieu rural) et à une véritable régionalisation de sa gestion fondée sur la coopération intercommunale et la solidarité entre 
 les régions.

8. Sensibilisation au respect de l’environnement et éducation environnementale
La problématique environnementale est de plus en plus présente dans notre vie quotidienne. Aussi, une conscience écologique émerge-t-elle progressivement, mettant les questions relatives à la préservation et à la protection de l’environnement au cœur de l’action publique en faveur de la jeunesse. Celle-ci devrait prévoir, à travers les thèmes liés à l’éducation et à la formation, une sensibilisation des jeunes au respect de l’environnement. L’enseignement de l’environnement et du développement durable devrait figurer dans les programmes d’enseignement des collèges, des lycées et des universités, dans les différentes disciplines existantes. Ces problématiques seraient à introduire dans le cadre des programmes et des enseignements, par le biais de thèmes de convergence, tels que l’eau ou l’énergie, ou à des moments spécifiques, à l’occasion de classes vertes ou d’actions éducatives conduites dans ce sens.

9. Engagement, rayonnement international et grands agendas mondiaux
Les grands agendas mondiaux constituent autant d’opportunités pour les jeunes Marocaines et Marocains d’apporter une contribution nationale aux engagements internationaux de notre pays et de prendre toute leur place, en tant qu’acteurs et actrices du changement, dans la mise en œuvre et le suivi des politiques et programmes de développement qui les concernent. Ces initiatives internationales en faveur des jeunes favorisent la création d’espaces d’échanges d’expériences et de dialogue interculturel, et l’organisation de manifestations dans leurs communautés, formant les jeunes par rapport à ces questions, qu’ils s’approprient et transmettent à leur tour, leur permettant ainsi de contribuer efficacement à un développement durable et inclusif. Elles n’offrent pas seulement aux jeunes la possibilité de s’exprimer, mais permettent également d’encourager de jeunes leaders, capables de participer à la vie de leur communauté et de faire entendre leur voix et, ainsi, faire rejaillir les composantes des programmes internationaux au niveau national. 

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