Économie

Comment utiliser la psychologie positive au travail

La psychologie positive est désormais l’une des clés pour réussir dans la vie personnelle et professionnelle. Loin d’être utopique, la démarche consiste tout simplement à se focaliser sur les aptitudes, les compétences ou encore les événements positifs, au lieu de se concentrer sur tout ce qui est négatif. C’est aussi une façon de bien vivre en entreprise, d’assurer son bien-être et de contribuer à l’épanouissement des autres. Le point avec Sanae Hanine, formatrice en communication non violente.

La psychologie positive en entreprise permet de garantir l’épanouissement des collaborateurs en donnant un sens à ce qu’ils font.

10 Juillet 2018 À 18:13

Éco-Conseil : Dans quelle mesure la psychologie positive permet-elle de réduire les risques psychosociaux en milieu professionnel ?
Sanae Hanine :
Je commence par un truisme, «le bonheur attire le succès, ce n'est pas le succès qui attire le bonheur». C’est la formule magique de la psychologie positive. C’est tout simplement la science du bonheur. Elle inclut un large champ d'action qui contient les émotions positives, les relations positives et les actions positives : la gentillesse, la joie, l'optimisme, la gratitude, la résilience, l'amitié, l'amour, la compassion, la bienveillance, la bonté, l'altruisme, le respect, la confiance, etc. Elle se distancie de «l’intelligence critique, l’intelligence de ce qui ne va pas, du tout va mal». En psychologie positive, on se place à l’autre extrémité du spectre : c’est-à-dire on se focalise sur les forces, les ressources et les qualités que nous possédons plutôt que sur nos lacunes et nos manquements. L’hypothèse de base de la psychologie positive se centre sur les aptitudes qui permettent à certaines personnes de surmonter les épreuves de la vie mieux que d’autres. Donc, il faut chercher ces qualités, les polir, les cultiver et les essaimer. Comme le dit si bien Charles Martin-Krumm (un spécialiste de la psychologie positive) à ce propos : «les difficultés du présent ne doivent pas prendre en otage le futur. C’est dire que la psychologie positive nous permet à chaque collaborateur d’explorer le meilleur du moment présent et du passé en capitalisant sur les bonnes pratiques». Bref «écouter les jeunes pousses qui émergent plutôt que les arbres qui tombent». Martin Seligman, inventeur de cette science, partage avec nous son essence en affirmant qu'«on peut passer à côté de la vie si on n’entraînait pas son esprit à percevoir ce qu’il y a de gratifiant et de joyeux plutôt que se concentrer seulement sur les difficultés et les négativités». En illustration de cette psychologie du bonheur, l’Académie des sciences des États-Unis d'Amérique a démontré qu’on peut radicalement transformer l’état de notre cerveau vers plus de sérénité et vers un bonheur hors norme en menant une recherche auprès des moines tibétains. 
Comme dans la vie, la psychologie positive en entreprise a pour objectif l’épanouissement des collaborateurs en donnant un sens à ce qu’ils font et à aider à développer leur engagement vers un but et à être résiliant face à ce qu’ils ne peuvent éviter. Il s’agit de se focaliser sur leurs points forts et positifs plutôt que sur leurs points faibles. On va développer ce qui a de la valeur chez eux, ce qui marche plutôt que de mettre l’accent sur leurs faiblesses : leurs défauts, leur anxiété, leur stress, par exemple. Un salarié optimiste est plus heureux, plus productif qu'une personne défaitiste. Il réussit mieux sa vie professionnelle et personnelle.
À ce propos, la boîte à outils de la psychologie positive est variée. Il s’agit de l’ensemble des conditions qui contribuent à l’épanouissement individuel ou au fonctionnement optimal des collaborateurs. C’est l’ensemble des processus qui orientent vers le bonheur, la satisfaction et le bien-être en milieu professionnel. En commençant par la gratitude, la reconnaissance, l’empathie et la compassion. Il a été empiriquement démontré que ces qualités ont un impact sur la rentabilité et sur l’engagement. La psychologie positive donne la promesse de booster la motivation des collaborateurs en cultivant l’espoir et l’optimisme plutôt que la peur et la négativité, comme célébrer les contributions positives des collaborateurs, remercier pour une bonne action. La psychologie positive s’oppose à la perte de la volonté qui résulte d'une exposition prolongée à une situation tragique et qui semble sans issue tel qu’elle est vécue dans plusieurs organisations. Sur un plan plus pragmatique, la psychologie positive a pour objet de développer une présence attentive créatrice plutôt qu’un présentéisme stérile et nihiliste. Elle invite également au dépassement de soi implantant les déterminants de la résilience, à l’actualisation de soi et à l’auto-efficacité.
La connexion entre le corps et l’esprit est très puissante, l’influence qu’a notre état d’esprit sur notre corps physique est profonde. En cultivant ce qui rend les humains résilients, heureux, optimistes et en élaguant tout ce qui engendre la détresse, le désespoir, contribue à réduire les risques psychosociaux en milieu professionnel. Cultiver le bonheur plutôt que d'appuyer sur les zones anxiogènes et stressantes prévient des maladies mentales et physiques. Même la culture populaire l’entérine : une attitude positive aide à recouvrer la santé physique. La psychologie positive aide à mettre en place les fondements nécessaires pour un bien-être au travail et donc être en meilleure santé physique et mentale. D’abord, la génération d'émotions positives plutôt que négatives aide à être dans une meilleure santé. Ensuite, le fait de se sentir engagé rend les collaborateurs plus heureux donc moins exposé aux sources de stress et au burn-out. Sur un registre plus individuel, en cultivant leurs forces distinctives, comme le sens de l’humanité, le calme, la persistance et la capacité à mener une vie significative, les individus transcendent la notion de bonheur classique basée sur le statut social, la frénésie des accomplissements en écrasant les autres. On s’oriente plus vers un mode de fonctionnement plus coopératif et moins stressant et, in fine, moins de conflits et de maladies.

Outre le management de proximité, par quels moyens peut-on faire régner la psychologie positive ?
Il existe plusieurs moyens de faire régner la psychologie positive en entreprise. La bonne nouvelle est qu’ils sont moins coûteux que les récompenses et autres gratifications matérielles. Le bonheur au travail n’est pas toujours synonyme d’augmentations salariales, de bonus ou autres émoluments. Il consiste tout simplement à savoir aider chacun à atteindre son potentiel maximal et améliorer ce potentiel pour qu’il se sente comblé, libre et heureux. Il est possible de contribuer au bonheur des collaborateurs par le respect de leur intégrité et de leur individualité. En faisant montre de la gratitude et de la reconnaissance pour ce qu’ils apportent à l’entreprise et en donnant sens à ce qu’ils font et non pas en les dénigrant et en les menant au pied du mur. Pratiquer la «déviance positive» qui consiste à permettre aux initiatives individuelles d’émerger dans un monde où l’on veut tout formaliser en process mécanique. La psychologie positive nous rappelle la nécessité de laisser émerger l’initiative, la liberté et la créativité dans le travail. La psychologie positive croit en le bonheur en servant les autres. La psychologie positive ne masque pas les faiblesses, les échecs, mais elle essaye de les traiter et de les lire à travers un nouveau prisme : celui de la compassion et de la résilience. Sur un plan plus pratique, une technique a été développée et se nomme «L'appreciative Inquiry». Il s’agit d’une méthode de résolution des problèmes et de conduite du changement qui focalise l’attention sur les réussites, les acquis et les énergies positives de l’entreprise. Les séminaires de team building sont également recommandés pour planter et essaimer la culture de la gratitude et du bonheur. Tout simplement, il s’agit de reconnaitre, apprécier et remercier ses collaborateurs.

L'un des ennemis de la performance d'un collaborateur réside dans ses pensées négatives. Que pouvez-vous nous dire sur ce volet ?
L’être humain a une tendance génétique à ne retenir que le négatif par rapport à d’autres personnes et à ruminer plus de 70.000 idées par jour dont plus de 80% sont négatives. Cette potence du négatif provient d’un mécanisme archaïque de défense contre les dangers de l’environnement qui remonte à l’ère de la jungle***. Le danger de ces pensées négatives réside dans le fait qu’elles se transforment en actions. La sagesse bouddhique le résume si bien : «la pensée se manifeste par une parole, la parole se traduit par un acte, l'acte devient une habitude, et l'habitude se solidifie en un caractère. Alors, observe avec soin la pensée et ses méandres, et laisse-la jaillir de l'amour. Né du souci de tous les êtres... de même que l'ombre suit le corps, tel on pense, tel on devient». Wayne Dyer, un spécialiste de l'auto-assistance, affirme à ce sujet : «contrôlez vos pensées négatives avant qu'elles ne vous contrôlent parce que, finalement, ce que vous pensez, vous devenez. Les pensées négatives sont l’ennemi de la performance parce qu’elles sont limitantes, défaitistes et ne représentent pas nos capacités les plus matures. Elles assombrissent nos capacités à prendre les justes mesures de ce dont nous sommes vraiment capables. Ce n'est pas la voix de notre meilleure nature puisque nous avons intériorisé des voix de la peur et de la fragilité irrationnelles. Dans de tels moments, nous avons besoin d'une voix alternative qui peut mettre un terme à notre peur et nous rappeler la force que nous avons en nous. Ces pensées négatives prolongent leur négativité dans la réalité parc qu’elles conditionnent les comportements. Elles peuvent mener à agir de manière désespérée alors que cela n’a pas lieu d’être».

Comment maîtriser ces pensées négatives ? 
La bonne nouvelle c’est le fait que cette déferlante des idées négatives n’est pas une fatalité. Elle peut être redirigée pour être une force créatrice. Pour maitriser ses pensées négatives, il faut d’abord les observer pour se rendre compte de leur irrationalité et leur distorsion de la réalité. En ré-envisagent chaque idée ruminée, on se rend compte de son absurdité. Lorsqu’on se sent envahi par une marée de pensées négatives, il est recommandé d’agir physiquement : faire du sport, se balader, cuisiner, danser ou faire du yoga, parler à un ami, etc. Mais généralement, maîtriser ses pensées négatives nécessite une transformation globale de la personne. En cultivant son optimisme et regardant le bon côté des êtres et des choses. En s’entourant de personnes positives qui nous remplissent de la bonne énergie et en investissant dans l’accumulation d’expériences agréables plutôt que des choses matérielles. En montrant de la gratitude et en donnant de soi et en servant les autres, il sera plus facile de maintenir la pensée négative à distance. Voir le meilleur dans les autres plutôt que le pire est aussi une véritable capsule du bonheur. Une pensée n’a pas d’autre pouvoir que celui que vous lui donnez autant lui donner du bon, du beau et surtout du positif. 

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