Économie

Attention ! la suffisance, un vrai défaut à corriger

La suffisance est un vrai défaut en milieu professionnel. Un collaborateur qui affiche un excès de confiance en soi n’accepte pas le dialogue, l’échange et encore moins les remarques, ce qui nuit au bon fonctionnement du travail et aux relations professionnelles. Pour le recadrer, «indépendamment du profil et des sensibilités, il faut être fin diplomate et ferme en même temps», recommande Malgorzata Saadani, coach international ICC. L’intervenante reconnait, toutefois, qu’il est «compliqué» de composer avec ce type de profil. Le point.

«Dans son aspect purement humain, même si la personne suffisante a raison, sa manière de faire est irritante pour les collègues.»

08 Juillet 2018 À 14:09

Éco-Conseil : Tout comme le manque de confiance en soi, la suffisance est une attitude très fréquente en milieu professionnel. Pourriez-vous nous en dire plus ?
Malgorzata Saadani
: Certainement. À l’opposé du manque de confiance en soi, la suffisance est un vrai défaut qui peut mener à des situations fâcheuses. Cet excès de confiance en soi mal placée, voire une attitude orgueilleuse et dédaigneuse apparaissent lorsque la personne perd l’habitude saine de remettre en question ses certitudes. Cela est à ne pas confondre avec le doute et l’hésitation. De là, elle ne mesure pas les risques et fonce la tête baissée vers la direction qui lui semble être la seule juste.

Concrètement, quels sont les traits de caractère de ce type de profil ?
Pour répondre à votre question, je tiens à préciser que la suffisance concerne le plus souvent deux catégories de personnes : soit inexpérimentées et donc inconscientes de leurs lacunes, soit très expérimentées, qui estiment avoir déjà tout vu et tout vécu et qui n’admettent pas qu’elles peuvent être encore surprises par la vie. Dans les deux cas de figure, ce profil est très sûr de soi et de ses décisions qui peuvent toutefois s’avérer erronées par manque de concertation et d’écoute.
Aujourd’hui, le développement de cette dérive est très encouragé par tout type de discours dits «de motivation» qui poussent les gens à croire à fond en leurs idées et en leurs projets et à les réaliser à n’importe quel prix, sans y poser un regard critique rationnel, ni observer ou écouter autour de soi. On leur dit qu’il n’y a que la volonté qui compte et qu’on peut tout réaliser. C’est vrai que le volontarisme et l’obstination sont nécessaires pour persévérer et réussir, mais l’analyse des risques et l’honnêteté intellectuelle existent aussi et méritent d’être prises en compte par tout 
un chacun. Personnellement, je pense que les extrêmes ne sont bons ni dans un sens, ni dans l’autre.

Dans quelle mesure la suffisance nuit-elle aux relations professionnelles et à la cohésion de l'équipe ?
Je viens d’évoquer le manque de dialogue et la sourde oreille à l’argumentation. Y a-t-il quelque chose de pire pour la cohésion de l’équipe ? Dans la version «optimiste», le collaborateur suffisant sera compétent et donc commettra rarement des erreurs. Par contre, s’il s’agit de quelqu’un qui manque d’éléments de jugement ou de compétences – l’échec est au rendez-vous. Le pire, c’est que la personne trop confiante en elle-même n’en tirera même pas d’enseignements parce que dans son monde, elle ne se trompe jamais, et elle cherchera des fautifs sur qui rejeter son propre échec. Côtoyer un tel profil est frustrant surtout pour ceux dont les connaissances et l’expérience sont supérieures, et qui doivent assister, impuissants, à une décision lourde de conséquences qu’ils voyaient arriver inévitablement.
Dans son aspect purement humain, même si la personne suffisante a raison, sa manière de faire est irritante pour les collègues. Ils ne l’apprécient pas et font parfois de la résistance par pure envie de la contredire ou de lui mettre les bâtons dans les roues.

Comment composer avec ce type de profil ?
C’est compliqué de composer avec ce type de profil, mais cela dépend du profil de la personne trop confiante en elle-même. Si c’est un jeune collaborateur juste inconscient de ses lacunes, il suffit de le recadrer doucement sur le plan comportemental et de vérifier les faits qu’il avance pour ne pas se laisser induire en erreur par un élément d’information biaisé.
Si c’est un responsable – la situation est plus délicate parce qu’une décision prise par lui aura un impact sur toute l’équipe et sur l’entreprise. Si on voit une erreur d’appréciation évidente, il faut faire tout pour exposer ses arguments et essayer de convaincre.

Comment le recadrer sans le blesser ?
Indépendamment du profil et des sensibilités, il faut être fin diplomate et ferme en même temps. Cela est très important pour pouvoir composer avec un tel profil et assurer la cohésion et la performance de l’équipe. D’ailleurs, le recadrage l’est toujours quelle qu’en soit la raison ! Dans la situation qui nous intéresse, le plus difficile serait d’assister impuissant à un échec prévisible qui aurait pu être évité à condition de se poser des bonnes questions. 

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