Économie

Le stress hydrique, le changement climatique et la dégradation des sols réduiraient de 21% la production de la région MENA

En raison de la rareté des ressources hydriques, des conséquences du changement climatique et de la dégradation des terres arables, la FAO et l'Organisation de coopération et de développement économiques prévoient, dans leurs perspectives agricoles 2018-2027, une contraction de la production agricole de 21% par rapport à 2009 dans la région de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient.

L’agriculture étant le secteur qui utilise le plus d’eau dans la région MENA, il est essentiel d’améliorer la gestion de l’eau dans le secteur agricole afin de stopper la dégradation des sols et de permettre l’adaptation au changement climatique, recommandent la FAO et l'OCDE. Ph. DR

04 Juillet 2018 À 18:27

La 14e édition des Perspectives agricoles de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de la FAO montre que la production agricole a fortement augmenté dans toutes les catégories de produits à travers le monde. Les céréales, premiers produits agricoles consommés, le poisson, les viandes et les produits laitiers ont même atteint, en 2017, des chiffres record. Au cours des dix prochaines années, la production agricole totale devrait s’accroître d’environ 20%, avec toutefois des différences considérables entre les régions. «L’augmentation serait très forte en Afrique subsaharienne, en Asie de l’Est et du Sud ainsi qu’au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, mais beaucoup plus faible dans les pays développés, notamment eu Europe occidentale», peut-on lire dans les Perspectives qui consacrent deux chapitres à la région de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient (MENA). Dans cette dernière, la progression de la production agricole, pour la même période, ne devrait être que d’environ 1,5% par an. Cette faible progression fait que la région MENA figure parmi les plus gros importateurs nets de produits alimentaires de base et la rend dépendante des marchés internationaux. Autres motifs d’inquiétudes pour la FAO et l'OCDE, la rareté des ressources hydriques, les conséquences du changement climatique et de la dégradation des terres arables. «La région est soumise à des contraintes foncières majeures : moins de 5% des terres sont arables dans les deux tiers des pays» selon le rapport. À cette rareté s'ajoute la dégradation des sols agricoles. «Outre le manque de terres adaptées à la culture, les sols actuellement utilisés dans l’agriculture sont gravement dégradés, au point qu’ils auraient perdu 30 à 35% de leur productivité potentielle d’après les estimations».

À ce sujet, des études récentes ont estimé le coût économique de la dégradation des terres dans la région à 9 milliards de dollars par an, soit entre 2 et 7% du PIB, selon les pays. «Les pertes liées à la seule salinité dans la région sont évaluées à 1 milliard de dollars par an, ou 1.600 à 2.750 dollars par hectare touché», expliquent encore les auteurs. Environ 40% de la superficie cultivée doivent être irrigués et seuls 4% de ces superficies ont des sols jugés bien ou très bien adaptés à la culture sèche de céréales et 55% sont inappropriées. De plus, et en raison de leur appartenance aux étages bioclimatiques arides et semi-arides, les pays de la région MENA sont soumis à un sévère stress hydrique mais les deux tiers parmi eux «continuent de puiser dans les eaux souterraines à un rythme incompatible avec les capacités de renouvellement des ressources intérieures en eau douce». L’agriculture étant le secteur qui utilise le plus d’eau, «il est essentiel d’améliorer la gestion de l’eau dans le secteur agricole afin de stopper la dégradation des sols et de permettre l’adaptation au changement climatique», recommandent les deux Organisations qui consacrent un chapitre aux conséquences du dérèglement climatique. «Le changement climatique ne fait qu’ajouter aux aléas de l’activité agricole dans la région MENA, déjà extrêmement aride. Les pays de la zone sont sujets à des sécheresses fréquentes et connaîtront des pénuries d’eau à l’avenir du fait des prélèvements non durables opérés dans les nappes souterraines». Dans ces pays, au cours du dernier siècle, les températures moyennes ont augmenté de 0,5°C et les précipitations ont diminué de 10% dans certaines parties de l’Afrique du Nord. Au Maroc, un rapport de 2015 de la Banque mondiale avait estimé qu’une augmentation de la température de 4°C pourrait réduire le rendement agricole jusqu’à 39%. Pour la région MENA, ce rapport avait estimé qu'un réchauffement de la température de 1,5°C paraît déjà inéluctable. Pour cette région, «la hausse des températures et la réduction des précipitations accélèreront la baisse du niveau des eaux de surface, et la fréquence des sécheresses augmentera. Déjà faibles, les rendements moyens des cultures non irriguées diminueront et deviendront plus variables. D’ici la fin du siècle, la production agricole totale dans la région pourrait se contracter de 21% par rapport à 2009», concluent les Perspectives agricoles de l'OCDE et de la FAO. 

 

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