Économie

Faut-il lâcher prise pour réussir en entreprise ? (1/2)

En entreprise, on a l’impression qu’il faut tout contrôler pour réussir. Or, les spécialistes ne cessent de le répéter : il faut savoir lâcher prise pour pouvoir atteindre ses buts en toute sérénité. Dans cette première partie, nous allons découvrir ce qu’est le lâcher prise dans un contexte professionnel et comment cela permet d’avoir des relations fructueuses. Le point avec Sanae Hanine, formatrice en communication non violente.

Exercer moins de contrôle sur les gens est un moyen formidable pour créer une abondance de choix et pour les rendre plus heureux.

18 Juin 2018 À 17:36

Eco-conseil : Quels sont les apports du lâcher prise en milieu professionnel ? 
Sanae Hanine :
En lâchant prise, on se place en harmonie avec la vie plutôt que de continuer à nager à contre-courant. Notre vie est comme un fleuve, on peut faire le choix de le traverser en rafting ou en kayak : pour celui qui est crispé et angoissé, cette descente va être un véritable enfer. Mais, celui qui va avec le courant de manière détendue accomplit la même descente avec bonheur et aborde les secousses avec souplesse. Le lâcher prise, donc, s’oppose au contrôle, à la rigidité et à la résistance au changement. Il s’oppose à l’acharnement de tout contrôler : soi-même, son travail, sa vie personnelle, ses émotions, ses idées et les autres aussi. Le lâcher prise consiste à «épouser les circonstances au lieu d’essayer de les modéliser». Lorsque nous réalisons que nous ne pouvons changer ni les événements ni les autres et que nous pouvons seulement changer notre façon de les percevoir, nous sommes dans le lâcher prise. Nous nous donnons alors une chance de vivre moins de stress et moins de conflits. Un moine zen a très bien pu définir le lâcher prise par cette belle formule : «Intérieurement, activement passif. Extérieurement, passivement actif», donc, calmement attentif à l’intérieur de soi, et tranquillement actif à l’extérieur. Comme il est important pour nous-mêmes comme individus, le lâcher prise est aussi important pour les entreprises. Ces dernières naviguent dans des environnements de plus en plus complexes et de plus en plus incertains. Elles réagissent à cette incertitude en renforçant le contrôle sur leur système de gestion et sur leurs collaborateurs. Malheureusement, ce contrôle excessif sape l’engagement et l’innovation. En créant ce qui est nommé le syndrome du carcan, c’est-à-dire un cadre de travail contraignant, un système de management rigide, une communication unidimensionnelle, les entreprises brident l’engagement de leurs collaborateurs et congestionnent leur esprit d’innovation. Le lâcher prise permet d’élargir le champ du possible pour la personne et pour l’organisation. Il donne droit à l’erreur et démolit le mythe du surhomme. L’erreur est considérée désormais comme source d’apprentissage pour les individus et les entreprises.
Dans la situation inverse, c’est-à-dire lorsque les entreprises commencent à perdre contrôle sur leurs employés et sur leurs clients, le lâcher prise peut être un moyen efficace pour les aider à atteindre leurs objectifs. La formule est simple : céder une partie du contrôle à leurs clients et leurs employés. Les entreprises peuvent collaborer avec eux pour développer de nouvelles idées, un nouveau savoir-faire, du contenu, du design et des produits créatifs. 

Dans quelle mesure le lâcher prise permet-il d'améliorer nos relations avec les autres ? 
Je préfère répondre à cette question par une parabole du coq de combat. Au début, fut enseignée à un coq la technique du combat par son sage maitre. Mais celui-ci considérait que le coq n’était pas prêt parce qu’«il est fort certes, mais cette force est “vide”. Il est tellement excité que sa force est éphémère». Il lui enseigna la deuxième technique. Le sage estima que le coq n’est toujours pas prêt parce qu’«encore passionné, il se met en colère et veut se battre». À la troisième tentative, le sage estima que le coq était prêt parce que «finalement, il ne se passionne plus. Sa posture est juste, mais sa tension est forte. Il ne se met plus en colère». L’énergie et la force ne se manifestent pas en «surface». Les coqs de combat ne pouvaient s’approcher de lui. Ils s’enfuyaient, effrayés ! Aussi n’eut-il pas besoin de combattre. Moralité de l’histoire, le lâcher prise nous permet d’acquérir cette force tranquille qui nait de l’acceptation de nos limites et celles des autres et de les accepter dans leurs différences. Ceci implique de nous délester d’un système de croyances et de stratégies qui ont été inefficaces et qui ont démontré leur inefficacité pour nous rendre heureux. Le lâcher prise est un acte de confiance envers nous-mêmes et envers les autres. Le besoin obsessionnel du total contrôle provient de nos angoisses primitives et inconscientes. Notre ego et nos insécurités nous poussent à vouloir télécommander tout ce qui constitue notre environnement : notre conjoint, nos enfants, nos amis, nos collègues, etc. Malheureusement, c’est une manœuvre vaine parce que cet acharnement ne génère que de la résistance, de l’inquiétude, de l’impatience et des déceptions. Cette posture est énergétivore et anxiogène. Donc la manière d’améliorer sa relation avec les autres à travers le lâcher prise consiste à être moins exigeant envers soi-même et envers les autres, faire le deuil des situations passées et même de pardonner. 

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