Économie

Pourquoi l'emploi ne suit pas

C'est un fait. L’économie marocaine crée moins d'emplois ces dernières années malgré des taux de croissance parfois honorables. Cela vaut surtout pour le secteur minier, l’agriculture et certaines activités des services. Pour renverser la tendance, des économistes prônent de s'engager plus franchement dans l’industrialisation du pays et des opérateurs sur la montée en compétitivité.

17 Juin 2018 À 14:06

C'est établi. L’économie marocaine crée de moins en moins d’emplois. L’amélioration du taux de croissance du PIB ne se traduit plus, ces dernières années, par un niveau de création d’emploi conséquent.
L’analyse de ces deux indicateurs entre 1998 et 2015 fait bien ressortir ce constat. Ainsi, le PIB à prix constant a doublé entre 1998 et 2015, passant de 48,032 milliards de dollars à 96,328 milliards, ce qui correspond à un taux de croissance annuel moyen de 4,18%, selon les données de la Division des Statistiques des Nations unies (UNSD). Toutefois, cette croissance «importante» n’a eu qu’un impact limité sur le chômage. Ainsi, sur la même période, le taux de chômage n’a diminué que de 4,1%, passant de 13,8 à 9,7%.
 Cette baisse pourrait également être expliquée par la chute du taux d’activité de 7,1%. C’est ce qui ressort d’une étude de deux économistes, Youssef El Hamadi et Abdeljabbar Abdouni, publiée dans la dernière édition de la publication «Les Cahiers du Plan», un numéro spécial conçu par le HCP et l’OCP Policy Center. Cette faiblesse marque surtout les mines et utilitaires, l’agriculture et autres services, relèvent ces économistes pour qui «la croissance dans ces secteurs est sans effet significatif sur la création d’emplois». 

Par contre, «les secteurs manufacturiers, transport, construction ainsi que le commerce sont les plus intensifs en emplois, bien que ces deux derniers soient caractérisés par une faible productivité», relèvent-ils. Pourquoi l’économie marocaine est-elle donc devenue moins créatrice d’emplois ?
La réponse est à chercher, d’abord, dans la nature même des investissements réalisés au Maroc, nous déclare l’économiste Mohamed Chiguer. Ce sont surtout des investissements capitalistiques, dans les infrastructures qui ne créent pas beaucoup d’emplois, et ce, au moment où l’industrie, qui est la «vraie créatrice d’emploi est délaissée», estime-t-il, tout en émettant de fortes réserves sur la politique industrielle actuelle du pays. Ce qui s’est traduit, estime notre économiste, par ce qu’il qualifie de «mauvaise croissance» qui «ne permet ni création d’emplois, ni développement technologique». Mohamed Chiguer fait remarquer que l’investissement à lui seul ne crée pas l’emploi et qu’il peut même en détruire.
Il attribue cela au manque d’imagination et au décalage entre les politiques adoptées et la réalité marocaine. Un décalage qu’il explique notamment par une dépendance des analyses et des recettes des institutions internationales, dont le FMI et la Banque mondiale et la marginalisation de l’expertise locale. Ce qui génère automatiquement, à l'en croire, «des erreurs sur les priorités».

La solution est toute simple, selon l’économiste : mettre sur pied une «vraie industrialisation» qui repose notamment sur l’école et l’innovation.
Cette perte de poids de l’industrie dans l’économie marocaine et son impact sur la capacité de cette dernière à créer de l’emploi est également relevée par Hicham Zouanat, cadre dans une multinationale qui évoque une montée de la tertiarisation de l’économie. Pour lui, la solution se résume en un mot : «compétitivité». Cette dernière permet de décrocher des commandes et donc de recruter davantage, schématise-t-il. 

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