8 Mars

Enfin un cadre juridique protégeant les femmes de toutes formes de violence

Après avoir sommeillé pendant plusieurs années dans les tiroirs du Parlement, la loi 103.13 relative à la lutte contre la violence faite aux femmes voit enfin le jour. Elle a été adoptée par la première Chambre le 14 février dernier, marquant ainsi une nouvelle avancée dans le processus d’instauration de l’égalité et de la promotion de la parité. Pour le gouvernement, il s’agit d’un texte de référence qui comporte la définition des concepts, les dispositions pénales, les mesures préventives, ainsi que les mécanismes de protection des victimes.

La Chambre des représentants a adopté à la mi-février dernier, à la majorité, le projet de loi 103.13 relative à la lutte contre la violence faite aux femmes.

08 Mars 2018 À 12:50

La Chambre des représentants a adopté à la mi-février dernier, à la majorité, le projet de loi 103.13 relative à la lutte contre la violence faite aux femmes, un texte qui devrait permettre au Maroc de disposer de dispositions juridiques cohérentes susceptibles de garantir une meilleure protection des femmes contre toutes formes de violence. Selon la ministre de la Famille, de la solidarité, de l’égalité et du développement social, Bassima Hakkaoui, le projet de loi 103.13 est un texte de référence qui comporte la définition des concepts, les dispositions pénales, les mesures préventives, les initiatives de protection et un mécanisme institutionnel intégré de prise en charge en durcissant les peines contre les auteurs. Approuvé par 168 voix pour, 55 contre et aucune abstention, le texte met fin à l'absence de législation et de réglementation sur la question, en englobant toutes les formes de violence qui peuvent être pratiquées contre les femmes, dans différents contextes, que ce soit à la maison, dans la rue, au travail ou ailleurs.

Lors de la présentation du projet, devant les parlementaires, la ministre a particulièrement insisté sur le contexte de cette loi qui s'inscrit dans le cadre de la consolidation de la démocratie et la réalisation de la parité et des valeurs de justice, conformément aux dispositions de la Constitution de 2011. Le texte intervient également, selon la responsable gouvernementale, en interaction avec le débat sociétal sur la violence faite aux femmes.
Concrètement, le texte définit la violence à l’égard des femmes comme toute action, physique ou morale, ou abstinence basée sur la race et causant préjudice à la femme, que ce soit sur le plan physique, moral, sexuel ou économique. Le nouveau texte criminalise également le harcèlement sexuel. En effet, une peine allant d’un à six mois de prison et des amendes pouvant atteindre jusqu’à 10.000 DH sont prévues pour tenter de mettre fin à l’activité des harceleurs dans les lieux publics ou ceux qui utilisent les nouvelles technologies à cet effet. Ces peines peuvent doubler ou même aller jusqu’à cinq années de prison ferme dans certains cas, notamment si la victime est mineure. Toujours sur le plan du durcissement des peines, le législateur a prévu plusieurs circonstances aggravantes, notamment quand les victimes sont des femmes enceintes, des épouses ou des divorcées. Dans ce sens, des ordonnances restrictives peuvent être émises pour interdire aux agresseurs de s'approcher de leurs victimes ou de les contacter pendant plusieurs années. Ces ordonnances peuvent être définitives dans certains cas, selon les dispositions du nouveau texte.

La loi 103-13 vient à point nommé. Elle constitue selon beaucoup d’observateurs la réponse à une situation alarmante qui requérait un cadre juridique clair à la fois sur le plan restrictif et répressif. Les chiffres relatifs à la violence faite aux femmes ne cessaient d’augmenter en dépit des campagnes de sensibilisation. Les statistiques de l’observatoire de la violence à l’égard des femmes contenues dans son tout premier rapport annuel au titre de l’année 2015 en disent long sur l’ampleur de ce phénomène. Le document couvre la période 2013-2014 et est d’autant plus pertinent qu’il se base notamment sur les données des cellules institutionnelles de prise en charge des femmes victimes de violence, créées auprès des ministères de la Justice et de la Santé, ainsi que sur les données recueillies auprès des services de la Sûreté nationale et de la Gendarmerie Royale. Ainsi, les indicateurs chiffrés du département de la Justice et des libertés indiquent que le phénomène de la violence physique exercée sur les femmes a pris de l’ampleur entre 2013 et 2014 en passant de 54,8 à 63,3%, soit une hausse de 8,33%. Sur ce registre, les actes de violence commis par les hommes sont de l’ordre de 88% en 2014, contre seulement 11,4% violences physiques exercées par les femmes contre les femmes. L’aggravation du phénomène des femmes violentées physiquement a été également confirmée par le département de la Santé. Les hôpitaux avaient reçu 12.218 cas en 2014, contre 8.675 cas en 2013. 75% de ces cas sont enregistrés en milieu urbain, contre 25% en milieu rural. Le ministère de la Santé explique cette augmentation par «la hausse des unités de prise en charge des victimes de violence instaurées dans les hôpitaux». Même constat auprès de la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN), dont les chiffres font ressortir une augmentation de 1,8% de la violence physique à l’égard des femmes. Le nombre des victimes est passé de 15.640 cas en 2013 à 15.865 en 2014. Les violences conjugales ont été les plus importantes. La DGSN a recensé en 2014 près de 7.962 femmes mariées victimes de violence, contre 3.444 femmes célibataires et 2.039 femmes divorcées. 

Copyright Groupe le Matin © 2024