30 Janvier 2018 À 19:09
Éco-Conseil : Qu’est-ce que l’intelligence économique ?
Aimad El Hajri : Il existe, dans la littérature, plusieurs définitions qui ont été données du concept de l’intelligence économique (IE) selon les différents axes. Pour ma part, je définirais l’IE comme une stratégie globale permettant à une organisation, quelle que soit sa taille, d’avoir et de protéger les informations, mais aussi d’influencer son environnement dans le but d’anticiper et de prendre les meilleures décisions. Cette définition comprend trois facettes : la veille, la sécurité et l’influence. La première facette se compose de la collecte des informations (qui relève des besoins de l’entreprise), de leur analyse et de leur synthèse pour constituer un dossier de base sans cesse réactualisé. La deuxième facette repose sur la protection du patrimoine immatériel de l’entreprise à travers la mise en œuvre d’une démarche globale qui concerne tous les volets. La dernière consiste à développer des actions de lobbying pour défendre les intérêts de l’entreprise et améliorer son image et son positionnement stratégique face à un environnement destructeur.
Quels en sont les enjeux stratégiques pour l’entreprise ?
Il faut d’abord être conscient de l’hyper-compétitivité de la société actuelle dite du savoir, laquelle est basée sur la connaissance et soutenue formidablement par les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Cette situation pousse les entreprises à innover en permanence (produits, procédés, modèles d’affaires…), à développer des alliances (opérationnelles et stratégiques…) et à s’implanter dans d’autres pays. L’intelligence économique constitue donc une stratégie qui pourra aider l’entreprise à surmonter les difficultés et à prendre les meilleures décisions au bon moment. À ce titre, l’IE permet à l’entreprise, au niveau national et international, de maîtriser le marché et ses tendances mieux que les concurrents, de porter une vision à plus long terme dans les objectifs, d’offrir une meilleure compréhension des moyens pour y parvenir et d’acquérir une capacité de résistance et de l’excellence opérationnelle.
Comment développer une démarche d’intelligence économique au sein de l’entreprise ?
L’intelligence économique est de prime abord un état d’esprit. Avant de parler d’un département dédié à l’IE ou de cellules de veille au sein de l’entreprise, il faut d’abord développer une culture de l’information. C'est-à-dire que chaque employé de l’entreprise doit être porteur de cet état d’esprit d’intelligence économique, pourquoi ? Parce que ça permet d’apprendre, de lire, de regarder, de visiter et d’observer afin d’augmenter les inputs. Une fois cette étape réalisée, la création d’un département IE ou d’une cellule de veille est nécessaire pour avoir une démarche structurée avec des objectifs précis. Cette cellule sera chargée de faire des études de besoin et d’élaborer des diagnostics par rapport aux problématiques de l’entreprise afin de prendre les bonnes décisions au moment opportun. Je précise que les formations ont un rôle important dans cette démarche en amont et en aval.
Qu’en est-il des moyens financiers et humains à déployer dans ce sens ?
Comme je viens de le préciser, la pratique de l’intelligence économique dans l’entreprise est toujours liée à des finalités, ceci nécessite l’engagement des ressources financières, matérielles, immatérielles, mais surtout humaines. Plus l’entreprise détient une qualité intéressante des ressources, plus elle a tendance à réaliser ses finalités à l’aide de l’IE.
À mon sens, la question de moyens financiers ne pose pas de problème, l’entreprise peut pratiquer de l’IE à son échelle avec de simples outils et d’un travail structuré. Par contre, s’agissant des moyens humains, l’entreprise doit accorder une attention particulière à la sélection des profils qualifiés en plus des formations continues.
Sur ce point, je pense qu’il faut faire la distinction entre la PME et la grande entreprise. Par exemple les grandes entreprises marocaines comme Managem, OCP, Cosumar, etc., ont et les moyens et la capacité de faire de l’IE, de créer des départements dédiés à la Recherche et Développement et d’attirer les compétences humaines qualifiées, ce qui n’est pas toujours possible pour la PME.
Quels rôles pour la direction des systèmes d’information ?
La direction des systèmes d’information (SI) est indispensable, mais pas suffisante quand on parle d’une démarche intelligence économique. Les systèmes d’informations relèvent principalement de ce qui est opérationnel et tactique, alors que l’IE touche le volet stratégique des entreprises. Dans cette optique, le rôle principal de la direction SI est d’alimenter en informations nécessaires les dispositifs d’intelligence économique après l’analyse et le traitement à l’aide des nouvelles technologiques.
Que pensez-vous de la volonté publique de promouvoir cette intelligence économique ?
La nomination de Mohcine Jazouli en tant que ministre délégué chargé des
Affaires africaines par Sa Majesté le Roi Mohammed VI est le bon exemple de cette volonté. M. Jazouli était jusqu’à sa nomination président-directeur général du cabinet d’intelligence économique Valyans, ce qui justifie l’importance de cette discipline, aussi bien pour les entreprises que pour la stratégie de l’État.