Économie

La bienveillance, c’est d’abord un travail sur soi

C’est désormais connu, l’attitude bienveillante permet d’être plus performant et de gérer les situations difficiles en entreprise. Pour l’adopter, les spécialistes s’accordent à dire qu’il faut d’abord être bienveillant avec soi. Il s’agit d’un réel travail sur soi qui consiste, entre autres, à être capable de s’écouter, de reconnaitre ses propres besoins, désirs et limites, mais aussi de pratiquer l’auto-empathie. Le point avec Catherine Pruvost, coach professionnelle, enseignante en PNL et directrice de l’Espace Humanitum à Montréal.

21 Novembre 2017 À 19:43

Éco-Conseil : Des experts en PNL estiment qu'il faut d'abord être bienveillant avec soi avant de l'être avec les autres. Qu’en pensez-vous ?
Catherine Pruvost :
Si je veux offrir quelque chose, je dois moi-même le posséder. Être bienveillant avec soi-même, c’est prendre soin de soi et être capable, par la suite, de donner aux autres. Je dirai cependant que même si la bienveillance séduit, sa présence est encore timide au cœur de nos sociétés. Pourtant, nous gagnerions tous à sortir de la peur, de l’égoïsme, de la dureté des cœurs et de l’aveuglement. De la même façon que la haine d’autrui est liée à la haine de soi, la bienveillance envers soi nous invite naturellement à la bienveillance envers autrui. Le mal-être et le mal de vivre, qu’ils soient personnels ou collectifs, sont des facteurs majeurs qui ont des répercussions sur la société qui devient incapable de construire un véritable développement humain durable. Revenir à plus d’humanité est un besoin crucial. 


• On retrouve soit des individus qui ne perçoivent leur fonction qu’à travers leurs tâches, sans être attentifs à l’humain et qui ne réalisent pas l’impact négatif qu’ils ont, surtout s’ils ont des postes de direction ou de gestion d’équipes. Cette incapacité à comprendre et à considérer l’autre engendre beaucoup de frustrations invisibles, qui contribuent inévitablement à construire un mauvais climat de travail. Ceux-là devront apprendre à travailler sur leur savoir-être, soit avec un coach ou lors de stages de développement personnel.


• Ou bien on retrouve des personnes pour qui il est plus facile de donner aux autres, de prendre soin des autres que de soi-même. Ces individus exercent alors une bienveillance de surface, et ont beaucoup d’attentes de la part de ceux envers qui ils sont bienveillants. S’ils ne reçoivent rien en retour, cela engendre de la frustration ou autres sentiments négatifs. N’ayant pas pris soin d’eux-mêmes ils, en veulent à ceux qui ne savent pas le faire pour eux. Avant d’exercer la bienveillance autour de moi, je la pratique envers moi.

Quels moyens se donner pour être bienveillant envers soi-même ? 
Cela requiert une volonté, un travail personnel, de l’ouverture. Un désir d’évolution humaine. Il s’agit de revoir notre éducation et réapprendre à exister à partir de nouvelles normes. De nouveaux apprentissages de vie qui peuvent parfois prendre toute une vie. Il n’est pas donné à tout le monde d’avoir envie de faire ce travail qui peut faire peur ou décourager. Et c'est, en même temps, un travail qui porte son lot de joie, qui nous permet d’enrichir notre expérience, qui nous guide vers plus d’accomplissement et qui procure une grande paix intérieure. Cela change inévitablement notre relation avec nous-mêmes et cela impacte naturellement notre relation avec les autres.
• Avoir fait la paix avec son passé, avoir pris soin de ses blessures. Il faut donc :
• Être pleinement présent à soi, une écoute intérieure, reconnaitre ses émotions, ses besoins, désirs et limites. 
• Pratiquer l’auto-empathie. Être chaleureux et compréhensif envers soi-même dans les moments douloureux, d'échec plutôt que d'ignorer les difficultés ou de se critiquer négativement.
• Pratiquer «la pleine conscience». Observer ses pensées et ses émotions négatives telles qu'elles sont, sans essayer de les nier ou de les supprimer, et sans les juger.
• Oser prendre soin de soi, répondre 
à ses besoins, respecter ses limites.
• Cultiver un dialogue interne valorisant et positif, ne pas laisser la petite voix critique prendre le dessus. Sortir du jugement.
• Orchestrer sa vie en accord avec ses valeurs et avec ce que nous sommes vraiment. 
• Pratiquer la gratitude, pour ce qui nous entoure, pour ce qui nous est offert, 
savoir remercier.
• Apprendre à vivre le moment présent.
• Introduire l’art de la méditation dans notre quotidien.
• Observer son vocabulaire et se discipliner à remplacer les mots freins (qui jugent, condamnent ou accentuent le négatif) par des mots moteurs (qui ouvrent le dialogue, enrichissent et encouragent).
Il n’est pas nécessaire de faire tout ce travail seul. Beaucoup d’approches variées ont été développées dans le but d’accompagner les humains vers plus d’épanouissement. Ce travail peut se faire à travers des lectures, des ateliers ou des formations. Des approches se sont démarquées par leur efficacité et leur humanité, notamment la PNL, la communication non violente, l’analyse transactionnelle, la méditation pleine conscience, l’hypnose éricksonienne et l’intelligence émotionnelle. 

Comment composer avec les collaborateurs qui tentent d'abuser de votre bienveillance ?
La bienveillance est souvent considérée comme une attitude passive alors qu’elle est au contraire bien active pour répondre à des besoins terriblement humains. Être bienveillant ne veut pas dire être gentil, ni trop bon, ni trop naïf, et surtout pas faible. S’il est vrai que je te respecte et je te considère, je me considère également. Ce n’est pas parce que je n’écrase personne que je me laisse écraser. Ainsi, il n’est jamais question de laisser l’autre empiéter sur ma dignité. De plus, être bienveillant ne signifie pas que je ne peux pas exprimer mon opinion, ni recadrer une situation, ou encore apporter une critique. Le dicton qui nous dit qu’«on a souvent tort dans la manière d’avoir raison» nous rappelle que tout est dans la façon de dire les choses. 
Avec bienveillance, je peux me positionner, je peux vous demander de vous écarter parce que vous empiétez sur mon territoire, je peux vous dire que je ne suis pas d’accord, je peux vous dire que vous me dérangez. La bienveillance n’est pas une disposition de l’esprit ni une question de gentillesse ou autres bons sentiments. C’est un outil qui recadre mes perceptions et transforme ma façon d’être en relation. Elle implique que je prends soin de moi, et que je reconnais mes qualités et mes forces. Elle m’autorise à m’exprimer en toutes circonstances.

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