Un patrimoine ancestral qui mérite d’être sauvegardé

Le Sahara, cette terre offrant ses dunes de sable fin, ses chameaux, ses tentes et son beau soleil, n’arrête pas de nous surprendre par ses richesses, qu’elle continue de dévoiler à travers sa riche culture hassanie. Une langue et des traditions ancestrales, transmises de génération en génération et jusque-là peu affectées par le monde sédentaire. Mais avec la disparition continue du mode de vie bédouin, la culture hassanie s’expose, de plus en plus, au risque de perdre de son essence, d’où l’intérêt de la sauvegarder.

03 Novembre 2017 À 22:01

Il faut dire que les Sahraouis tiennent fermement aux traditions ancestrales qu’ils ont héritées de leurs aïeux et dont ils sont très fiers. Car le Sahara regorge d’éléments de cette culture hassanie qui constitue un symbole fort au sein de la diversité culturelle du Royaume du Maroc. C’est une fierté que d’avoir cette richesse sahraouie, acquise grâce à une fusion arabo-amazighe, formant une belle mixité mise en exergue dans toutes les composantes de ce legs ancestral. Les chercheurs et les experts qui s’intéressent de très près à la culture hassanie trouvent sa force dans la capacité des Sahraouis à la diffuser et la sauvegarder, à travers leur passion de communication et d’échange avec l’autre.
«C’est une culture qui bouge et qui est pleine de messages. Cette mobilité est très apparente dans ses différentes composantes, notamment sa danse de Guedra, dont les expressions du corps ne manquent pas de sens et de messages. Sa poésie, également, est d’une grande valeur littéraire, utilisant aussi bien la langue hassanie que l’amazigh», souligne le chercheur Ibrahim Al Hayssen. Cette culture hassanie, partie intégrante de la civilisation marocaine, a en effet réussi le pari de préserver son essence, dévoilée dans son héritage linguistique, patrimonial et littéraire. Plusieurs de ses facettes en témoignent à travers les nombreuses coutumes sahraouies, traditions et festivités particulières se rapportant aux différents aspects de la vie (comme la naissance, la circoncision, les fiançailles, le mariage, le divorce, entre autres cérémonies religieuses), puis à l’art culinaire traditionnel ou encore l’habit traditionnel très réputé, notamment Al Malhfa chez les femmes et Darrâa chez les hommes. Par ailleurs, l’espace sahraoui, par le biais de sa population, se caractérise par le sens de la tribu, dont la générosité, l’hospitalité, le divertissement et le mode de vie ont longtemps voyagé à travers le temps sans perdre de leurs principes ancestraux, que les femmes et les hommes du Sahara ont protégés et fait revivre de génération en génération. S’agissant de la langue de communication, le chercheur en culture hassanie Taleb Bouya Laatig témoigne que celle-ci met en exergue sa force symbolique, son côté esthétique et sa précision. Et d’ajouter en ce qui concerne le volet artistique et créatif que «la musique hassanie témoigne de l’ouverture de cette culture sur d’autres expressions du monde, car elle rappelle la dimension africaine et amazighe. C’est une musique où on trouve le Hijaz, Srouji, Taghjouta, avec un recours au Tadinit, un instrument musical dont l’appellation est amazighe, outre l’intégration des Jawanib (janba al bayda et janba sawda)». Le chercheur Ibrahim Al Hayssen confirme également ce fait en insistant sur l’ouverture de cette culture sur d’autres horizons et en précisant que «la culture hassanie brise le silence et incite à la parole. Il existe plusieurs proverbes qui le confirment. Car ils ont une valeur symbolique et se caractérisent par leur musicalité, leur niveau linguistique, puis la facilité d’image traduisant la perspicacité de l’homme sahraoui». Des atouts que le monde sahraoui s’est créés pour vivre en harmonie et en paix avec son environnement, sans pour autant sentir le besoin de se sédentariser. Ce qui n’est plus le cas actuellement. Mais n’empêche que nous avons le devoir de pérenniser cette culture hassanie, tout en gardant son essence pour enrichir davantage la diversité culturelle marocaine. 

Questions à Rahal Boubrik, directeur du Centre des études sahariennes, Université Mohammed V de Rabat

«Il est important de mettre la culture hassanie au cœur de la diversité culturelle de notre pays»

Le Matin : Comment peut-on définir la culture Hassanie ? Qu’est-ce qui la distingue des autres cultures ?
Rahal Boubrik :
La culture hassanie est une culture composite. Elle s’est formée à travers un brassage ethnique issu d’une longue histoire de rencontres entre des populations subsahariennes, amazighes et arabes. La toponymie, les expressions linguistiques, la musique, les costumes…, bref les éléments de la culture hassanie sont l’expression de ce métissage. 
Nous pouvons distinguer cette culture généralement par le dialecte hassani, les costumes des hommes (darâ’a) et des femmes (malhfa), la musique (hawal), un mode de vie à dominance nomade (dans le passé) et d’autres traits culturels. On peut limiter l’espace traditionnel et culturel de cette société au nord par Oued Noun (sud du Maroc), au sud par le fleuve Sénégal, à l’ouest il commence à l’Atlantique et s’étend jusqu’à l’Azawâd et à Arawân vers l’est (Nord du Mali). 
On peut aussi relever plusieurs variantes de cette culture dans ce vaste territoire.

Pensez-vous que cette culture Hassanie a pu être sauvegardée et de quelle manière ?
La culture hassanie était intimement liée à un mode de vie bédouin. Avec la disparation de ce mode qui est le squelette de cette culture, nous observons la disparition progressive des éléments de cette culture. 
Par exemple, la tente noire n’est plus utilisée dans la vie quotidienne comme d’autres objets, vu la sédentarisation de cette population nomade. Il est donc urgent de sauvegarder cette culture à travers des mesures concrètes et non par l’organisation de moussems et de festivals épisodiques qui la présentent sous un angle purement folklorique.

Est-ce que la culture Hassanie trouve sa place au sein de la diversité culturelle marocaine ?
On peut noter, dans ce cadre, que la Constitution de 2011 a consacré les efforts consentis par le Maroc pour la promotion des droits culturels et la reconnaissance de la diversité des composantes et des affluents de l’identité culturelle nationale, dont la culture hassanie. À ce propos, l’article 5 de la Constitution stipule, d’une manière explicite, que l’État œuvre à la préservation du Hassani, en tant que partie intégrante de l’identité culturelle marocaine unie, ainsi qu’à la protection des expressions culturelles et des parlers pratiqués au Maroc. Il est donc important de mettre la culture hassanie au cœur de cette diversité culturelle de notre pays, afin de la sauvegarder et la mettre en exergue. 
C’est dans ce sens que le projet de loi organique relative au Conseil national des langues et de la culture marocaine prévoit la création d’une institution dédiée à la promotion de la culture hassanie au sein du futur Conseil. Nous espérons que les parlementaires, lors des discussions de ce projet de loi, maintiennent cette institution. 

Copyright Groupe le Matin © 2024