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Crise de la dette : cette épée suspendue au-dessus de nos têtes

Par Nabil Adel Nabil Adel est Chef d'entreprise, chroniqueur, essayiste et enseignant chercheur à l'ESCA - Ecole de Management

Il faut aujourd’hui un courage exceptionnel de la part d’un responsable politique pour financer les déficits publics par des hausses d’impôts ou des réductions dans les dépenses publiques.

01 Novembre 2017 À 20:14

Les économistes ont la main sur le cœur, au vu du niveau abyssal des dettes contractées par les plus grandes économies internationales. Aujourd’hui, la crise est quasi certaine compte tenu de cet endettement sans précédent et des records qu’il bat chaque trimestre. Les questions que se posent désormais les observateurs sont fatalistes et se résument à : qui tombera le premier, les États-Unis ou la Chine ? Pendant combien de temps tiendrons-nous encore ? Comment allons-nous nous en sortir cette fois-ci, sachant que nous avons réduit à néant nos futures marges de manœuvre ?

L’impact de la crise de 2008
Pour venir à bout de la crise des subprimes de 2008, les États, paniqués devant l’ampleur et la violence de la secousse, ont opté pour une solution qui se révèlera pire que le mal. Cette crise due, faut-il le rappeler, à un problème de solvabilité entre des banques privées et leurs clients est rapidement devenue une crise de finances publiques, quand les gouvernements ont financé le sauvetage de ces banques en s’endettant eux-mêmes. Ils ont dû, pour ce faire, injecter des quantités impressionnantes de liquidités dans les économies pour leur éviter un arrêt brutal. S’il est vrai que la faillite du système bancaire international (dont on était à quelques jours) aurait plongé le monde dans une grave dépression, le sauvetage s’est effectué au prix d’une création monétaire sans précédent (planche à billets dans beaucoup de pays) et d’un lourd endettement des États auprès des marchés financiers, où les banques qu’ils viennent de sauver sont des acteurs majeurs.

Ainsi, ce qui a commencé en tant que crise de la dette privée entre des banques peu orthodoxes et leurs épargnants s’est transformé en dettes publiques devant être remboursées par tous les citoyens. Et pour rembourser une dette, il faut soit une augmentation des impôts, soit une réduction des dépenses publiques (santé, éducation, sûreté, infrastructures, etc.), soit une poursuite de l’endettement. Les trois solutions sont plus coûteuses les unes que les autres. Mais si la sagesse économique veut qu’on agisse sur les deux premiers leviers (le FMI insistera particulièrement sur le deuxième), les pressions sociales et les agendas politiques font que les gouvernements privilégient souvent le troisième.

Quand on intègre dans l’analyse, l’endettement de l’ensemble des agents économiques (ménages, entreprises non financières, secteur financier et État), on atteint des sommets réellement inquiétants. Ainsi, la dette mondiale se chiffrerait, selon les dernières données de l’Institute of International Finance, à 217 trillions de dollars, soit 327% du PIB mondial ! Cette dette a progressé de 50 trillions de dollars en 10 ans. Ceci revient à dire, toutes proportions gardées, que chaque habitant sur terre a une dette actuelle de plus de 28.500 dollars. Autant dire que dans ces conditions, celle-ci ne sera jamais remboursée.

Si l’endettement des États-Unis est source de craintes au niveau international, étant la plus grande économie du monde, c’est celui de la Chine qui défraye la chronique et inquiète les économistes. Le ratio d’endettement de l’ex-Empire du Milieu a dépassé 300% de sa richesse nationale au premier trimestre 2017. Par ailleurs, l’endettement des pays exportateurs de pétrole du Golfe n’est pas en reste avec une dette publique de 400 milliards de dollars en 2016 et des prévisions de plus 700 milliards de dollars à l’horizon 2020. Ces chiffres ont de quoi alimenter une nouvelle crise encore plus violente qu'en 2008. Sauf que cette fois-ci, on aura épuisé toutes les voies de recours.

Aux racines du mal
La dette devient en ce début de 21e siècle le principal cancer des économies. Les États s’endettent pour maintenir un train de vie qu’ils n’ont plus la possibilité de financer par les impôts, en raison des pressions électorales qui s’exercent sur eux. Il faut aujourd’hui un courage exceptionnel de la part d’un responsable politique pour financer les déficits publics par des hausses d’impôts ou des réductions dans les dépenses publiques, quand contracter une dette passe presque inaperçu sur le pouvoir d’achat immédiat des citoyens. Pour leur part, les entreprises s’endettent pour ne pas risquer l’argent des propriétaires et faire jouer au maximum le fameux effet de levier (écart entre la rentabilité d’un projet et le coût de la dette). La théorie financière les y encourage, car elle professe que la dette a un grand pouvoir disciplinaire sur les managers ; le paiement régulier du service de la dette (principal et intérêts) les obligeant à se concentrer sur les projets générateurs de trésorerie immédiatement.

Quant aux ménages, la machine marketing infernale à laquelle ils sont soumis en permanence les pousse à hypothéquer les revenus de plusieurs années futures, au profit d’une consommation immédiate et d’un confort de vie qu’ils ne peuvent s’offrir qu’au prix d’un lourd endettement. Mais les conséquences de cette facilité sur l’ensemble de l’économie sont catastrophiques, car le système ne tient plus qu’à un fil. C’est le moment de tirer la sonnette d’alarme sur notre politique monétaire qui veut relancer l’économie, en ouvrant les vannes du crédit, sachant qu’en l’absence de réformes structurelles et d’un tissu productif national compétitif, ces crédits financent la relance chez nos partenaires commerciaux. À méditer pour nos responsables qui froncent les sourcils quand les Marocains ne s’endettent pas assez !

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