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Reprendre une entreprise familiale, en quoi est-ce avantageux ?

Comme le souligne Hanane Oubidar, coach professionnelle, experte en ressources humaines et DG du cabinet Seiton Consulting, «le secret de la réussite dans les structures familiales réside dans l’acquisition des compétences clés de l’activité de l’entreprise, la loyauté et l’engagement». Travailler dans une entreprise familiale doit être un choix de carrière, il ne sert à rien d’imposer ce choix aux enfants, c’est tout simplement condamner l’entreprise à l’échec. Le point.

Les candidats à la reprise sont mis à rude épreuve pour confirmer leur loyauté, leur sens du devoir et l’intérêt pour l’activité de l’entreprise.

09 Octobre 2017 À 17:51

Éco-Conseil : Quels sont les enjeux du travail dans une entreprise familiale ?

Hanane Oubidar : Lorsqu’on parle d’entreprise familiale, nous pensons systématiquement héritage, avantage et chance, mais aussi contrainte et absence de choix ! L’entreprise familiale est un patrimoine qui est transmis de génération en génération, c’est l’œuvre de nos aïeuls, le combat de leur vie et la réussite de leur vie professionnelle. Avoir la charge de reprendre cet héritage est un avantage, un privilège et aussi une contrainte ! Mettons-nous dans la peau de cette personne qui se retrouve sans le vouloir héritière d’une entreprise familiale : comment concilier entre le devoir et l’envie de gérer sa vie autrement ? Plusieurs questions se posent aux nouvelles générations : ai-je envie de continuer dans le même domaine, le même secteur ? N’ai-je pas envie de poursuivre mes études dans un autre domaine ? Ai-je la volonté et l’énergie pour m’aventurer dans une histoire d’héritage et d’héritiers ? Dois-je travailler pour le compte de ma famille et sacrifier mon autonomie et mon besoin de me réaliser moi-même ? Autant de questions auxquelles il faut trouver des réponses claires et sincères avant de s’aventurer dans l’expérience de l’entreprise familiale.

Comment réussir sa carrière dans ce type d’entreprise ?

Depuis les années 1990-2000, plusieurs études ont été menées en Europe et aux États-Unis pour mieux comprendre le phénomène des entreprises familiales qui, contrairement aux start-ups de l’époque, ont pu dépasser la crise économique et rester solides. Les résultats de ces études démontrent clairement que le secret de la réussite dans les structures familiales réside dans l’acquisition des compétences clés de l’activité de l’entreprise, la loyauté et l’engagement. Nous avons tous entendu parler de ces «papas» chefs d’entreprises qui ont obligé leur enfant, lauréat de grandes écoles et héritier de la structure familiale, de démarrer la carrière au sein de l’entreprise au plus bas de l’échelle. En réalisant de la manutention, en étant caissier dans des supermarchés, ou encore livreur… et de gravir les échelles, étape par étape, en méritant chaque évolution dans l’organigramme de l’entreprise. La deuxième possibilité consiste à intégrer de grandes multinationales pour acquérir des compétences et des techniques de gestion nouvelles et modernes avant de revenir et de mettre ses acquisitions techniques et managériales au service de l’entreprise familiale. La clé de la réussite réside dans la maîtrise de l’ensemble des métiers de l’entreprise, la connaissance des règles de gestion, le processus de production, les nouvelles technologies de fabrication, les lois et règles du bon investissement et surtout dans le fait d'avoir une vision de long terme des projets de développement.

Quelle stratégie adopter pour face aux conflits familiaux qui apparaissent dans le bureau de l’entreprise ?

Quand on parle d’entreprise familiale, les collègues et les investisseurs sont des membres de la famille. Ce sont des frères et sœurs, des oncles et tantes, des parents ou même de grands-parents et, dans ce cadre-là, les émotions et les sentiments sont toujours présents, ce qui peut conduire à beaucoup de subjectivité dans les relations au travail. Les avis sont basés, non seulement sur la compétence et la performance des uns et des autres, mais aussi sur l’histoire individuelle de chaque membre de la famille ! Certaines entreprises ont su relever ce défi, en créant une organisation avec un comité de direction qui permet à chacun (ou aux représentants des différents membres de la famille) de valider les décisions stratégiques et de ne pas laisser le pouvoir décisionnel dans les mains d’une seule personne. Les avis peuvent être différents et la meilleure solution est d’instaurer un système de gestion démocratique et équitable, en gardant toujours en tête, que les autres membres de la famille, malgré les relations familiales quotidiennes, restent des actionnaires dans la gestion économique de l’entreprise.

Comment gérer la période de transition entre générations ?

Dans certaines entreprises européennes qui évoluent dans leur secteur d’activité depuis plusieurs générations, le choix des successeurs à la tête de l’organisation se base sur un parcours de longue haleine pendant lequel les candidats à la reprise sont mis à rude épreuve pour confirmer leur loyauté, leur sens du devoir et l’intérêt pour l’activité de l’entreprise. La transition se prépare pendant des années et ne doit pas être une décision de dernière minute. C’est un processus qui doit permettre au candidat à la reprise de travailler sous la tutelle d’un sénior, afin de comprendre l’histoire de l’entreprise, se familiariser avec les stratégies mises en place et apprendre par la délégation à reprendre le flambeau sans trop de dégât. L’expérience et l’expertise vont par la suite leur permettre de développer l’entreprise en axant sur l’amélioration continue dans différents domaines comme le mode de management, les nouvelles technologies ou encore en s’ouvrant sur d’autres marchés. La reprise de l’entreprise familiale doit être un choix de carrière, il ne sert à rien d’imposer ce choix aux enfants, c’est tout simplement condamner l’entreprise à l’échec. Certains jeunes ont besoin de créer, de développer une structure qui leur ressemble, de travailler sur un projet personnel et non pas sur l’affaire familiale qui ne donne pas droit à l’autonomie ou à la prise de risque puisqu’une entreprise familiale est avant tout l’affaire de tous ! Dans le cas où les jeunes ne s’intéressent pas à la reprise, deux choix se présentent, recruter un manager qui va assurer la continuité pour le compte des actionnaires (la famille) ou vendre la structure !

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