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La performance comme style de management

Par Nabil Adel M. Adel est chef d'entreprise, consultant et professeur d’Économie, de stratégie et de finance. Il est également directeur général de l'Institut de Recherche en Géopolitique et Géo-économie à l'ESCA.n.adel@ceteris.ma

Un bon dirigeant adapte son style à la situation et ne commet pas la faute de chercher à ce que les situations s’adaptent à son style. Il est autoritaire quand la situation l’exige et souple quand il le faut.

12 Avril 2017 À 17:49

Sous la pression d’actionnaires toujours avides de plus de dividendes et de clients banalisant la plus spectaculaire des innovations, les entreprises ont ouvert la course aux talents. Or bien souvent, leurs performances sont le fait d’un seul individu, perché en haut de la pyramide. Le bon dirigeant est une denrée rare et il le sait. De sa vision et, surtout, de son style de management dépendent la grandeur ou la décadence des entreprises. Alors, mieux vaut ne pas se tromper dans son choix.

De la faute impardonnable d’avoir le mauvais style de managementCe qui rend un leader unique, c'est la vision qu’il a de l’évolution de son métier (par métier, il faut entendre le croisement entre l’entreprise et son secteur d’activité) et le style de management qu’il déploie pour donner vie aux concepts abstraits issus de cette vision. Les deux (vision et style de management) sont les éléments fondateurs d’une entreprise performante et lui sont intimement liés. Or autant un dirigeant d’entreprise peut ne pas avoir de vision (après tout, les patrons ne sont pas tous obligés d’être des Steve Jobs ou des Walt Disney pour performer), autant l’absence de style dans le management est létale et conduit l’entité inéluctablement à la médiocrité. D’autre part, autant la vision est liée au talent individuel d’un personnage unique, autant le style de management est le fruit d’un long processus d’apprentissage façonné par les expériences vécues et par l’influence de ténors qu’un dirigeant a eu la chance (ou la malchance) de croiser tout au long de sa carrière.C’est la raison pour laquelle, certaines organisations sont de véritables fabriques de grands leaders et d’autres sont des cimetières de talents, qui déforment durablement leurs managers et, souvent, c’est irrattrapable. Ceci est valable aussi bien pour les entreprises que pour les pays. Imaginez un Bill Gates né au Maroc ou un Jack Welch ayant fait carrière dans une entreprise bulgare ! Le style de management est l’inspiration au quotidien qu’exerce un individu (un homme et de plus en plus une femme) sur une organisation, la conduisant au sommet de la réussite ; ou dont l’influence néfaste la plonge dans les abîmes de l’échec. Et pour preuve, une même entreprise, avec le même personnel et les mêmes actifs, produira des résultats diamétralement opposés en fonction du dirigeant. Mieux encore, l’impact sur les résultats est perceptible dès lors qu’il y a un changement dans le style de management du même dirigeant. Mais bien souvent, il est beaucoup plus aisé de changer les Hommes que d’espérer que les Hommes changent. Autrement dit, il est difficilement concevable (même si ce n’est pas impossible) que les problèmes soient réglés par ceux qui en sont à l’origine.

Le style de management, c’est l’adaptationBeaucoup confondent style et caractère. Si le style de management est indéniablement marqué par le caractère du dirigeant, le caractère devient son pire ennemi quand il le fige dans la même posture, quelle que soit la situation à laquelle il est confronté. C’est la raison pour laquelle certains dirigeants réussissent brillamment dans certains cas et «se plantent» lamentablement dans d’autres. En effet, si par chance la solution au problème auquel le manager est confronté est compatible avec son caractère, il réussit. Sinon, l’échec n’est qu’une question de temps.Un bon dirigeant adapte son style à la situation et ne commet pas la faute de chercher à ce que les situations s’adaptent à son style. Il est autoritaire quand la situation l’exige et souple quand il le faut. Il n’adopte pas le même style de management à une entreprise en plein essor qu’à une entreprise nécessitant un redressement musclé dans l’urgence. Dans le même ordre d’idées, il ne centralisera pas les décisions dans une entité ayant une culture de prise d’initiative, comme il ne déléguera pas dans une entreprise où les délégataires sont la source des contreperformances. La rareté de ce type de profils est ce qui explique que peu de dirigeants réussissent à performer à long terme dans des contextes différents. Souvent, ils s’enferment dans des schémas d’application d’expériences antérieures à des situations tout à fait nouvelles. Ils pensent, à tort, que les vieilles recettes sont valables partout, tout le temps.

Quand ça ne marche pas, regardez vers le hautLe style de management a un impact significatif sur les résultats, mais également sur le comportement des collaborateurs à l’intérieur de l’organisation. Si l’on exclut quelques esprits libres dans l’entreprise, la majorité des salariés aura tendance à reproduire les mêmes modes de management que les dirigeants et à les diffuser à leurs échelles, car c’est d’abord le meilleur moyen d’éviter la sanction et par la suite d’espérer la promotion. La crainte du bâton a, hélas, toujours plus d’effets sur les individus composant n’importe quelle organisation que l’espérance de la carotte.Le dirigeant imprime non seulement son style sur l’organisation qu’il dirige, mais modifie, par ce même style, le comportement des agents qui la constituent. Dans certaines entreprises, on rencontre des individus épanouis, rayonnants et motivés, alors que dans d’autres, on est en présence de zombies qui vont au travail chaque jour, le stress au ventre. Leur seule motivation est le salaire, en attendant mieux ailleurs. On imagine aisément que ce genre d’entreprises est un repoussoir de talents et constitue au mieux une station de transit vers d’autres destinations. Car quand un mauvais dirigeant se plaint constamment de ses collaborateurs au lieu de les soutenir, il oublie ou feint d’oublier qu’ils ne font qu’appliquer ses instructions. Et quand il prétend que sans lui rien n’avance, qu’il essaye de faire tourner l’entreprise seul, pendant juste une journée !

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