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La politique de l’État actionnaire jugée sévèrement par la Cour des comptes française

«L'État peine à être un bon actionnaire», étant «à la fois trop présent dans la gestion et trop peu vigilant comme actionnaire», estime la haute juridiction financière dans un volumineux rapport rendu public mercredi.

26 Janvier 2017 À 18:06

L'État gère-t-il correctement son portefeuille d'actionnaire ? Pas vraiment, selon la Cour des comptes, qui appelle à réformer en profondeur l'actionnariat public pour mettre un terme à ses «carences persistantes», dans l'intérêt des contribuables et des entreprises concernées. «L'État peine à être un bon actionnaire», étant «à la fois trop présent dans la gestion et trop peu vigilant comme actionnaire», estime la haute juridiction financière dans un volumineux rapport rendu public mercredi. En cause, selon les magistrats financiers : les «contradictions» entre les différents objectifs poursuivis par l'État, poussé à faire «passer au second plan la défense de ses intérêts patrimoniaux» et «l'intérêt social des entreprises qu'il détient». «L'État continue souvent de confondre tutelle et actionnariat», regrette ainsi le président de la Cour des comptes, Didier Migaud. «Pour faire respecter une paix sociale dont il est le garant et le tributaire, il n'est pas rare» qu'il «sacrifie l'autonomie de gestion de ses entreprises».

EDF, Engie, Renault, Air France ou bien Orange : environ 1.800 entreprises, en France, sont détenues à titre majoritaire ou minoritaire par l'État, par le biais de l'APE (Agence des participations de l'État), de la Caisse des dépôts et consignation ou de Bpifrance. La valeur comptable de ce patrimoine, aussi vaste qu'hétérogène, était de 100 milliards d'euros fin 2015. Au sein de ce portefeuille, 62 participations étaient cotées, à l'image d'Air France ou de PSA, pour une valorisation totale de 77,4 milliards d'euros. Ce poids actionnarial, l'un des plus élevés des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques, est source de complexité. Le portefeuille public est «dispersé et peu mobile» et les opérations réalisées sous la houlette de l'État «trop souvent dictées par l'urgence», observe la Cour des comptes. Un constat proche de celui établi par l'ancien directeur de l'APE, David Azema. «Sur le long terme, ces tensions ne peuvent qu'affecter le développement des entreprises concernées», a-t-il mis en garde dans une note publiée mardi par l'institut Montaigne.

«Faiblesses chroniques»

Publication de lignes directrices, clarification des motifs d'intervention : ces dernières années, plusieurs mesures ont été prises pour améliorer la gouvernance de l'actionnariat public. Mais malgré des «progrès notables», les «faiblesses chroniques demeurent», selon la Cour des comptes.

La commande de locomotives imposée en octobre à la SNCF afin de sauver l'usine Alstom de Belfort a ainsi illustré les conflits d'intérêts persistant chez l'État actionnaire, tout comme le pilotage de la filière nucléaire, ébranlée par la situation financière d'Areva et d'EDF. Pour remettre sur pied les deux groupes, l'État s'est engagé à leur injecter près de sept milliards d'euros. Mais cette remise en ordre est arrivée «tardivement», soulignent les Sages de la rue Cambon, qui s'inquiètent en outre de son coût pour les finances publiques. Pour sortir de cette impasse, la juridiction formule plusieurs propositions, comme la suppression des seuils minimaux de détention quand ils ne sont pas justifiés, et la modification du statut de la SNCF, qui gagnerait selon la Cour à devenir une «société anonyme» pour gagner en autonomie.

Elle propose en outre et surtout de «redimensionner» le portefeuille public, soit en baissant le niveau de participation dans certaines entreprises afin de ne conserver que le niveau minimum pour que l'État garde son influence, soit en procédant à des privatisations. Cette seconde option «procède d'un choix plus marqué», concède la Cour. Mais elle présenterait des avantages, l'actionnariat public n'étant pas «le moyen le plus adapté», selon elle, «pour contrer la perte de compétitivité et la désindustrialisation». Un message accueilli avec prudence par Bercy, qui a dit dans une réaction transmise à l'AFP avoir «conscience des difficultés inhérentes à l'exercice de l'État actionnaire» tout en insistant sur «les progrès faits en matière de bonne gestion des participations». «Nous aussi voulons bien sûr limiter notre participation là où elle est nécessaire», mais «tout privatiser d'un seul coup comme le recommande la Cour conduirait à une catastrophe industrielle et économique», a ajouté le ministère. 

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