Green financing

L’organisation par le Maroc de la COP 22 est un signal fort de l’engagement du Royaume dans un sujet en phase de devenir dans les prochaines années à la tête des agendas dans les relations internationales. En effet, le niveau de dégradation des ressources sur Terre a atteint un niveau inquiétant forçant les dirigeants du monde entier à regarder dans la même direction. Mais avant d’arriver à cette situation, il a fallu des transformations radicales dans notre mode de pensée, de production et de consommation. Comment ?

29 Novembre 2016 À 18:08

Au début, les idées

La dégradation de notre planète conséquence d’une exploitation effrénée de ses ressources a commencé par deux idées simples. L’entreprise appartient à ses actionnaires et le rôle de tous les collaborateurs est de maximiser leur richesse (celle des actionnaires, bien évidemment) et le Client est Roi et la satisfaction de ses désirs et la clé de la réussite dans les affaires.

La première a défini le modèle de production et la seconde le modèle de consommation. Les deux se sont révélées aussi ravageuses les unes que les autres sur l’équilibre du biosystème sur cette planète. Et pourtant ce sont de quasi-vérités érigées au stade de dogme inébranlable, qu’on apprend quotidiennement aux étudiants dans les différentes universités et écoles.

Un modèle de production aux limites de l’épuisement

Dans leur quête de maximisation du profit et de création de valeur pour les actionnaires, les entreprises ont été très peu soucieuses de l’impact de leurs politiques industrielles sur l’environnement. Elles ont toujours été réticentes aux limitations à la production et aux coûts additionnels induits par les approches industrielles écologiquement responsables. En effet, les contraintes de maximisation de la valeur imposées par les marchés financiers et les actionnaires aux dirigeants ne leur laissent qu’une faible marge de liberté pour traiter de sujets écologiques. L’essentiel de leurs efforts est dédié aux stratégies d’accroissement continu de la production et des ventes et de réduction des coûts pour maximiser le profit.

Toutefois, cette approche productiviste qui consiste en la maximisation de la production par tous les moyens, comme préalable à celle du profit, s’est avérée désastreuse pour la planète. Or aujourd’hui, les enjeux ne sont plus les probables surcoûts générés par une «production propre», mais se situent bien au-delà. Il s’agit de questionner la durabilité d’un modèle économique dont les matières premières ne se renouvelleront peut-être pas, sous l’effet d’un usage massif des ressources naturelles, au-delà du nécessaire, générant ainsi un gaspillage considérable et une forte dilapidation de richesses que la Nature n’est plus en mesure de reproduire.

Et un mode de vie

Si le modèle de production est en cause dans la dégradation de la qualité de vie sur terre, le modèle de consommation n’est pas en reste. En effet, c’est pour satisfaire une demande de plus en plus croissante en nouveaux produits et services que se déploient des stratégies industrielles néfastes pour la planète. C’est ainsi que la révolution technologique et les progrès généralisés dans l’enseignement (accès et qualité des contenus) se sont traduits par une mutation profonde dans les modes de production. Désormais, on produit mieux, plus rapidement et à moindre coût, générant ainsi d’importants gains de productivité, dont une partie a été redistribuée sous forme d’augmentation de revenus. Il est un fait certain que le niveau global de vie a augmenté au Maroc comme ailleurs, même s’il persiste de fortes inégalités dans la répartition des revenus. Mais cette amélioration du niveau de vie s’est également traduite par par un changement dans les habitudes de consommation et les rapports à la dépense. Celle-ci, au lieu d’être un moyen de mieux-vivre, est devenue une valeur sociale d’affirmation et de quête de reconnaissance. Désormais, on se définit plus par «ce qu’on a» que par «ce qu’on est». Si on ajoute à cela un accès de plus en plus banalisé aux crédits, on réunit les ingrédients d’un mode de vie qui exerce une forte pression sur les ressources naturelles et ne peut que générer une dégradation, voire une menace, à la vie sur terre.

Gouvernements et médias : mieux vaut tard que jamais

Pour leur part, les gouvernements, préoccupés par d’autres sujets jugés plus prioritaires, tels que la guerre contre le terrorisme, la lutte contre le chômage ou encore la réduction des déficits, n’ont jamais inscrit la préservation de l’environnement comme axe majeur de leurs politiques. La position américaine sur la question, notamment les administrations républicaines, a toujours prêté à l’équivoque. Il a fallu que la communauté scientifique sonne l’alarme du réchauffement climatique, de la raréfaction des ressources hydriques et la désertification qui ravage des zones entières du globe, pour que les responsables politiques prennent au sérieux le sujet et poussent à mettre en place les stratégies nécessaires. Sur le plan médiatique, le documentaire «une vérité qui dérange» a mis la problématique de l’environnement sur les devants de la scène en étendant ce qui n’était qu’un débat d’experts et d’initiés à l’opinion publique mondiale. Basé en grande partie sur une présentation de l’ancien vice-Président américain Al Gore qui a fait du sujet un combat de vie, l’accent y a été mis sur les dangers qu’encourt notre planète, du fait d’une pollution sans précédent causant un réchauffement climatique dont les conséquences peuvent menacer la survie même de notre espèce. Ainsi, avant de s’attaquer aux modèles de production et de consommation responsables des malheurs de la planète miracle, il faut déconstruire et diffuser sur une large échelle les deux paradigmes qui constituent pourtant les piliers sur lesquels a été construite la doctrine libérale, à savoir le Client Roi et la primauté de l’Actionnaire. La tâche est donc loin d’être aisée. 

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