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L'agriculture souhaite être une solution au réchauffement

Outre la réduction des engrais et produits phytosanitaires, les bonnes pratiques conseillées passent par une foule d'autres actions, adaptables selon les latitudes.

10 Novembre 2016 À 18:34

Victime et coupable du changement climatique mondial, l'agriculture voudrait prouver qu'elle est aussi une solution au réchauffement, à travers une meilleure utilisation des sols et terres agricoles. Cette année, le Maroc a vu ses récoltes de blé chuter de 70% après une sécheresse. La France, premier exportateur européen, a engrangé 30% d'épis en moins que l'an passé, après un printemps de pluies et d'inondations. En Amérique latine, le phénomène El Nino, aggravé par le réchauffement, a lourdement amputé les récoltes. Mais l'agriculture est aussi responsable d'au moins un quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre : elle contribue directement au réchauffement à hauteur de 17%, notamment à travers l'élevage, auxquels s'ajoutent 7 à 14% liés à des modifications d'affectation des terres (déforestation...), selon l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques).

Un défi colossal et paradoxal

L'organisation de l'ONU pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) l'a dit le 17 octobre : l'agriculture et les systèmes alimentaires devront subir une «transformation profonde» pour relever le défi colossal et paradoxal auquel ils sont confrontés : réduire les émissions tout en nourrissant de plus en plus de monde. De 3,7 milliards d'habitants en 1970, la planète devrait passer à 9,7 milliards en 2050. Les idées se multiplient, notamment autour de l'Afrique, qui n'assure pas son autonomie alimentaire, comme le projet d'universitaires britanniques «Agriculture for impact», ou l'initiative «Triple A» (Adaptation de l'Agriculture Africaine) du Maroc.Des scientifiques français, soutenus par le gouvernement, proposent un projet plus global, baptisé «4pour 1.000» ou «agro-écologie» : selon eux, en utilisant un peu plus chaque année les prairies et les champs comme pompe à carbone, et en cultivant différemment, on pourrait stocker 0,4% (soit 4 pour 1.000) de carbone de plus par an dans les sols et stopper l'augmentation de la concentration de CO2 dans l'atmosphère.

Cette question de l'utilisation des terres agricoles a pris une place centrale dans les négociations sur le climat qui ont repris à Marrakech cette semaine sous l'égide de l'ONU, pour la première fois depuis la signature de l'accord de Paris en décembre.Selon le professeur Sir Gordon Conway, de l'Imperial College à Londres, le projet britannique est aussi basé sur de meilleurs apports de carbone dans le sol, ce qui permet de générer un deuxième effet positif : les rendements agricoles progressent, car la terre devient plus fertile.Pour parvenir à ce cercle vertueux, il faut trouver des financements pour les projets innovants puis convaincre les politiques, indique à l'AFP Pierre-Marie Aubert, chercheur à l'IDDRI, centre de réflexion spécialisé dans les systèmes agricoles et alimentaires durables.

Proscrire la charrue

Outre la réduction des engrais et produits phytosanitaires, les bonnes pratiques conseillées passent par une foule d'autres actions, adaptables selon les latitudes :

• Lutter contre l'érosion et restaurer des sols agricoles disparus. Planter plus de légumineuses, lentilles, pois chiche... qui ont la double vertu de capter l'azote de l'air, fertilisant naturel, et de le relarguer dans la terre pour la culture suivante.

• Proscrire la charrue en ne laissant jamais la terre nue en hiver, laisser des cultures enfouies qui nourrissent les sols, cultiver sous les arbres, faire des rotations de cultures.«Dans les endroits où les terres sont déjà très pauvres, il faudra peut-être avoir recours aux engrais», reconnaît un responsable gouvernemental en évoquant l'Afrique.Tous ces efforts doivent aller de pair avec une amélioration des sélections génétiques des espèces végétales pour qu'elles résistent à la sécheresse ou aux maladies. «Le problème majeur va être d'arriver à stabiliser les productions», note Sebastien Abis, chercheur associé à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) à Paris, et auteur du récent essai «Agriculture et climat», avec Mohammed Sadiki, professeur de génétique de l'Institut agronomique vétérinaire de Rabat.Selon lui, il est «dangereux d'avoir un discours de décroissance de la production agricole à l'échelle globale» du fait de l'augmentation du nombre de bouches à nourrir.

Mais tout le monde n'est pas d'accord.

«Aujourd'hui, la planète produit le double de ce dont elle a besoin en matière alimentaire : 4.600 calories par jour et par habitant, alors qu'on a besoin de seulement 2.300 calories», affirme à l'AFP Hans Herren, président du centre Millenium à Washington, chargé d'établir des modèles mathématiques pour le compte de l'ONU en matière de développement durable. «L'Europe et les États-Unis doivent arrêter de penser qu'ils sont là pour nourrir le monde. L'Afrique peut très bien se nourrir seule».

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